citation de D.H.Lawrence (Apocalypse)
Beaucoup de travail à faire... pour changer le monde, d'abord la séduction. En tant que peintre j'ai tout appris chez Picasso, depuis que mon père me le montrait encore sous Franco. Mais ici à Paris je cherche pour modèle parfois Matisse, pour la subtile éthique, parfois la gaieté de Francis Picabia, fumeur de pétards et le plus évolutif des dadaïstes. Parfois je me laisse habiter par un suicidaire qui a fait quelques beaux tableaux, Jules Pascin.
Mais l'on viendra démolir Picasso (un mufle avec les femmes) tout comme on s'acharne à décrire Freud avec le seul mot de "obsédé". L'on ne parlera plus de coureurs de jupons, mais de harceleurs. De même qu'on ne parle plus de clochards, mais de SDF. L'on viendra démolir Picasso, parce qu'il y a du Freud chez Picasso. Nous nous demandons dans les milieux psychanalytiques que je fréquente en tant qu'artiste s'il faut parler de Lacan ou de Freud aux jeunes. S'il faut leur dire d'aller les lire. Tellement on a entériné la mauvaise réputation, qu'on se replie et l'on semble pas vouloir passer la relève. Alors qu'il faut que les Lumières Noires (comme on a qualifié la pensée profondément critique de Sigmund Freud parmi d'autres penseurs dont seul un peu connu à présent me vient à la tête : Georg Groddeck) soient à nouveau dans l'air. Quand je ressens l'approche des plus jeunes, disons les vingtainaires, je les vois en ébullition et c'est assez contagieux. Le vingtième siècle défile à toute vitesse devant moi (mode rewind) vers le point indécis du début du communisme, la Commune de Paris, voire aussi les occultistes comme Eliphas Lévi et Papus, court-circuitant Aleister Crowley et Anton Lavey et même Jodorowsky et surtout Castaneda, pour ce qui est de la pacotille (qui peut compter plus pour l'Inconscient que la froide et scientifique philosophie).
Je sens de plus en plus l'envie de faire lire ce que je lis. Maintenant à l'instant c'est le singulier Apocalypse de D.H.Lawrence, mais ça pourrait être le premier livre de Freud qui est aussi celui que j'ai pris le plus de plaisir et de fascination à lire (non, ce n'est pas L'interprétation des rêves, qui est très bien déjà, mais ses Etudes sur l'hystérie, que j'ai lu en espagnol).
Je crois que le temps ayant passé, et avec une mauvaise réputation dont ils devraient être fiers, les futurs psychanalystes sauront reconnaître un classique en même temps qu'un précurseur, avec un délicieux côté démodé, chez Freud, ou les futurs peintres sauront que malgré les conduites déviantes Picasso ou Balthus, ou le douteux Dali, ce sont des grands maîtres, qui commencent par dessiner.
Je voulais montrer dans l'image le dessin de Picasso sur la vieille édition du Dictionnaire de la Psychanalyse de Laplanche et Pontalis, mais il est à l'atelier, et j'ai trouvé sur un meuble ici un autre dictionnaire à conseiller avec aussi un dessin de Picasso, le Grimal de Mythologie.
3 commentaires:
Voici un article très interessant cher Manuel.
L'un des mes professeurs à l'université - un spécialiste de Courbet et des symbolistes, très "esprit charogne", (pour citer Huysmans) qui à permit, d'ailleurs, la redécouverte et la réhabilitation de l'œuvre de Gustave Adolf Mossa - est tout à fait friand de l'application de lectures psychanalytiques. Son chantier, à ce titre, est celui de Gustave Moreau - l'expression d'un psychisme donc, qui se situe parfaitement à l'opposé de Picasso en ce qui concerne la question de la représentation féminine (la mère...).
Pour moi, là où Picasso est le plus audacieux, là où il m'impressionne le plus dans le renouvellement du motif féminin c'est quand il peint ses quelques "pisseuses", ses quelques "pleureuses". Quand il rend, à la femme, ses aptitudes liquides et aquatiques.
Il y a "la morte en beauté" de Clovis Trouille dans un autre registre, pour gagner, dès l'origine, un nouvel axe. Mais c'est tellement vaste.
Si je peux me permettre d'ajouter un titre à la bibliographie que tu amorces ici, ce serait : "le nouveau dictionnaire de sexologie" préfacé par Emilio Sevadio, qui use d'illustrations artistiques.
Quel bel et simple "article", quelles bonnes pensées. Partager les livres ici cités avec les plus jeunes serait comme leur poser les mains directement sur une paire de seins tièdes... le lait de la culture via la peau des couvertures. Puissent leurs bouches entrouvertes téter les mots à la source ! et viva la psychanalyse, noire ou blanche, toujours sortilège...
Chers amis, pour ce qui est du peintre qui cite Arthur-Louis, je voudrais qu'il me montre, pour me faire une idée, s'il vient à Paris. Pour ce qui est de noire ou blanche (toi, Marie-Agnès qui as publié "chez Blanche!!!") je voudrais plus tard parler du livre que j'ai offert hier soir à Julie Oyono, Médecins et sorciers, de Tobie Nathan et Isabelle Stengers, figures controversées par rapport à la psychanalyse où ils ont, comme tu dis bien, tété...
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