mardi 25 janvier 2011
double portrait de deux écrivains
Fragments sur le sarcasme subtil
Je pensais au Blues des chrysanthèmes pendant que je fumais à la porte du Dôme, l’autre soir, la vue fixe sur une lumière oxydée en vert, la statue de Balzac.
(rip (A.C.), le lundi 10 janvier 2011
je confirme, blues des chrysanthèmes : remarquable à tous les niveaux
du travail de pro)
Merci Marie Agnès. J’ai parlé avec le tenancier de la librairie. C’est plutôt Quartier Latin que Saint Germain des Près, mais je ne discute tes assertions, tu es l’experte. Oui, c’est un lieu de culte, plus dans le bizarre que dans le littéraire, mais j’ai sorti avec un bouquin de Burroughs en échange de mon livre de peinture. Eve a habité dans un hôtel dans cette même rue de la librairie où se logeait Burroughs à l’époque de la révolte. Je voulais te dire, entre toi et moi, la première conviction que j’ai eu sur le tenancier était : il est un parfait imbécile. Je marchais dans la rue en le disant à voix haute, une dame habillée de fourrures et au visage parfait s’est glissée avec moi, corps à corps, par la passoire du métro, je lui ai causé, elle souriait en silence. Pourquoi "imbécile", le tenancier, et non pas gentil ou intéressant, qui sont des synonymes tous les trois ? Parce que je sais pas, il m’agace. D’ailleurs je compte le revoir, chaque fois que j’aurai mon rendez vous rue de Seine. Je pourrais bavarder tous les mercredis. Il m’agace parce qu’on dirait qu’il est contre la tauromachie, et pour l’indépendance de la Catalogne. Et là, je crache au visage.
Chère Marie Agnès, quel tour de force... je survole le blues des chrysanthèmes et j’ai l’impulsion d’écrire tout de suite mes impressions, quant à la couleur du texte, le contraste avec ton autre simplicité dans d’autres textes sur le net et nonobstant la construction soeur de celle de L’allégresse des rats. Je risque de délaisser mon propre travail mais si j’arrivais à vraiment parler en artiste pour me référer à quelque chose dans ta littérature qui la rend littéraire, ce serait une énergie bien employée. Est-ce l’insupportable qui nous force à prendre la distance de ne lire que le style, comme on sent en passant une rafale de parfum ? On ne peut qu’être surpris des subversions haine / amour du prochain. Le fond du style, de cette chair brûlée qui nous repousse, est ne peut autre que prophétique (si l’on admet en même temps de ranger le Christ des Evangiles dans la chaîne des prophètes, avec quelques unes de ses maximes et son goût des récits ou paraboles, qui sont souvent hors sujet si on lit avec attention et qui semblent des histoires pour se distraire de la peste du Décameron mais sans la plume de Boccacio, des histoires qu’on ne peut partager qu’avec nos derniers compagnons face à la mort, où l’on dit le sacré de l’erreur des hommes). La prophétie s’améliore toujours, dans la souffrance du temps qu’on a perdu. Etc.etc.
Je suis resté avec quelques images du genre "anticipation" dans les livres et les textes numériques de Marie Agnès. La femme dont la bouteille d'oxygène à l'aquarium est programmée pour la tuer, qui se colle au regard des curieux sur la vitrine en mourant pour le spectacle, j'ajoute de mon propre imaginaire l'euthanasie depuis des hélicoptères sur les quartiers bobos, au laser indolore transmetteur chimique, en odeur de sainteté d'une perfusion intense de phéromones sur le cadavre. Quand les morts auront du pouvoir d'achat, le bricolage de sarcophages sera interactif. L'on marchandera aussi la divinité ou la sainteté ou les pouvoirs miraculeux entre la vie, sa fin et puis le curriculum du cadavre. Un cadavre bien entretenu travaille bien, bosse bien, comme dit Marie Agnès. Quand l'enfant veut faire un golem de sa mère... quand nous voudrions bien ne pas avoir enterré nos parents pour qu'ils nettoient un peu la poussière sur les livres... Je pense à une Vierge mexicaine survolant le désert comme un feu de Saint Elme perdu, aveuglée des indiens qui la prennent en photo, ivres. Je suis comme un de ces blasphèmes, quand je veux me référer à l'éclat prophétique du sarcasme michelien, du sarcasme subtil qui s'y ajoute sur la pratique d'imagier du premier degré.
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3 commentaires:
Quand je te lis, Manuel, moi je voudrais écrire comme toi. Et peindre ta peinture aussi, mais ça même pas en rêve.
C'est une bonne idée, si tu veux peindre ma peinture, j'étais en train de réfléchir à devenir conseiller artistique, ou quelque chose comme-ça, je peux vendre mes secrets, comme ont fait tant d'artistes...
dear Manuel,
ta peinture est un TGV déboulant des âges paléolithiques. Le secret? Toi. C'est donc toi qu'il faudrait vendre. Or, "you're not for sale" comme disent les ayurvédiques.
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