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planche "picto" 11
la planche chuchote son charme
un étalage diabolique de détails
une perfection répétée comme le losange
de l'ange déchu de l'image, la vipère
d'une Cléopatre dernière pour un secret paysage
+
à 0 nous sommes à la dernière maison
les vies dedans sont la frontière mille fois
franchie par le chant et l'ombre
et scellée par le dessin cabalistique de l'ombre
qui projettent les vieux cyprès de leur baiser rêvé
depuis le Carmen de la Victoria
sur le visage lavé et orné de coupelles en cuivre
de la maison à gauche selon on remonte la pente
la Cuesta del Chapiz qui sépare les deux quartiers
avant que ne le fasse la montagne et la muraille arabe
combien de respirations profondes de laurier
combien de gestes redressés, de ceintures attachées
combien il ne faut ralentir, fumer, attendre
combien l'oracle du couteau et Marie Mère de Dieu
ne voit-on dans les murs initiateurs de ces deux
crépusculaires maisons au bord ?
+
le chemin d'un quartier descend et l'autre remonte
+
l'on voit l'entrée sur 1
décoration opaque et dort-le-jour des fêtes suspendue
arbrisseau, statue, chemin
ça monte, tel Satan est monté aux branches
de la connaissance
une fenêtre à chaque histoire
un dialogue à la porte
une ignorance impossible de la symétrie du Bien et du Mal
quand l'art est capable de vous le rendre en photo
et bien d'autres lectures du livre profond
attendent ma vue cupide dans le chemin du Sacromonte
c'est pas par hasard que cette prise de vue 1
soit surexposée ou brûlée en partie
+
les flash de couches de tourisme depuis les temps de la dictature
brillent comme le sperme sec sur l'âme du dernier quartier
les reliques d'un saint apocryphe trônent au fond du serpent
du chemin qui nous guide à la danse, à l'ivresse, à la prière
les flash restent à la porte, hésitent, pénètrent
jusqu'à faire vomir la terre son génie, sa griffe
la patte de poule qu'on avale
dans le théâtre de l'enfance, la misère inconcevable
d'une monnaie de plomb, d'un calligramme négatif de l'or
d'un négatif après l'autre sur ce rouleau d'Eve Livet
qui a rendu comme Paracelse culte à Grenade
qui possède le décalque universel des livres enterrés
qui sait se caler pour l'Histoire à chaque torsion du serpent
+
l'on verra Quetzal Coatl si l'on veut s'agiter
sur le nopal ou figue de Barbarie en 5 à 10
+
mais un premier extase apéritif
porte l'écriteau en 2 "TABLAILLO"
la frise de tuiles en terre est un front d'avant la Grèce
un temps de pensée mythologique
la porte en fer avec des arabesques élémentaires de forgeron
promet souffrance et force, le spectacle de la guerre occulte
du dragon et de l'agneau
une guitare semble nous attendre pour tout nous dire
+
dans le jeu de la vie de cette planche je saute 3
je poursuis l'oie
un dessin qui revient nous guider
dans le pressentiment enfantin et la lecture du rouleau
+
un recul aussi ce négatif 4
examen de conscience
Eve se retourne et perçoit en bas du chemin les derniers murs
du quartier profane et juste mi-gitan de mon grand-père
l'Albaicin ou Albayzin selon chacun
seuls les astres chancellent
les ancêtres qu'ils dessinent dans le glacé du sel
se tiennent debout tel des dieux de l'instant
et le soleil est le linceul tremblant du connu
+
pour qu'en 5 nous soyons ailleurs
au sommet des colliers de cyprès et du sfumato
on dirait sortie du haschish la suite
de secousses reptiliennes du Chi, du fruit des aztèques,
du dégradé de plans, parcouru du détail tourné
du feu de l'analyse purgatoire accueillant et sévère
le fruit des aztèques pousse sur les amas de "chumberas"
+
ici en terre sacrée et terre sauvage
le regard est un banditisme
comme le hibou la journée la montagne n'est que plumage
mais le ciel désert dénonce
la tache de poussière d'une lumière alerte
mes pensées ne sont que matière
hurle le sorcier dans la cage photographique
boue blanche tempérée de stupeur qui se fane en violette
ceci est l'histoire du haut pour le musicien qui dort
mes pensées ne sont que matière
que peut faire un chat ?
il passe, il dirige, discret, quelque chose
+
pause en 13 prolongée jusqu'à 17
on trouve une inscription en 17
le nom de la source et le poème d'amour tous deux
en céramique de Fajalauza, technique d'origine arabe
en 16 je pose moi-même pour Eve contre un éclat
la montagne habitée s'habille en chaux comme une mariée se dévoile
en 15 le même banc un instant avant : vide
en 14 et 13 je vous dit "Fuente de la Amapola"
aucune référence à l'oubli dans le poème
mais aux lèvres de la belle ou du chaland qui boivent
l'eau perpétuelle, s'inclinant
incantation discrète de l'eau qui nous désaltère
comme le baiser perdu d'une étrangère
+
toutes les boissons, toutes les drogues
désaltèrent les bouches des grottes abandonnées qui entoure l'herbe sèche
et les menaces
des chiens imaginaires dans l'aloe vera qui rampe
en 18 l'une
en 19 l'autre
et la troisième en 20, seule oblique obligée
+
la plante préhistorique dessine en 21 et 22
des improvisations séphirotiques ou d'utopies japonaises
à rebours du ciel transparent et d'un horizon brisé
elle s'incline, la plante, elle est une substance en déperdition
on dirait que le cyprès seul en érection semble rire
comme un singe accroupi sur la tête d'une image pieuse
comme semble rire l'intelligence du jeune homme
+
j'avance vers la caméra (25)
+
j'ignore ces images d'archétype
deux rectangles en céramique
Marie et Joseph, l'une Immaculée Conception
l'autre tuteur du Doux Jésus, sur le mur
j'avançais vers la mère et le père
vers la mère et le père
en 26, mais ce serait une chute sérieuse
de se convertir si près de l'oie
j'attends de la voir
+
diable de drôle de photographie
contact 27 à la loupe l'on trouve des choses
la tête jeune et hirsute retournée d'un gitan
entrevue surpasser un mur, des ombres de fer
deux chiens, deux attitudes, premiers aperçus des canards
une fenêtre barrée d'une grille et d'un contreplaqué irrégulier
un écriteau : "Cuevas Coloradas"
+
je sens que je deviens laid à longueur de nuit
ma barbe pousse vite, elle me fait l'écriture
du maladif voyant ou prophète qui repousse
je ne peux que dégoûter les manières matinales
moi qui pense encore à ça l'heure de silence des merles de l'hiver
un peu du poète Alfredo Lombardo je prie la candeur bleu
des yeux enfoncés d'un propre fakir espagnol
puisqu'il habite ces demeures et en fait des sonnets
et des leçons de peinture
Picasso et le Minotaure à Paris comme en Espagne
Alfredo m'a salué : "torero", la nuit furtive
des chaînes conséquentes de l'art
le chanteur patibulaire à voix efféminée
le guitariste et lui se sont enfuis en courant
ma tante parisienne appréciée du regard
assise avec Eve et moi
comme une autre gitane au teint brun, les yeux luisants
noir comme le corbeau sa chevelure et sa robe
la soeur du père du jeune peintre taciturne
un agent à moustache me propose : "Ayahuasca"
je m'érige en diplomate
tout ça, qu'est-ce que ça coûte ? tout et rien, le savez-vous ?
+
Picasso brûle de surexposition la photo des colombes (28)
elles sont agencées à l'entrée d'une grotte dans des cages
improvisation du zinc et des tubes en acier et du fil de fer
tout devenu lumière comme les plumes blanches et même l'obscurité
+
les petites plumes des autres couleurs apparaissent
minutieusement grises à la loupe
29 et 30 cages à oiseaux et fenêtre mystérieuse
dramatique masque du plastique d'un sac qui moule l'obscène ignorance et deux réceptacles de terre suspendus aux barreaux
si en plus à la loupe le plastique s'avère torchon digne
+
je saute le 31 et suis mis en abîme avec le décor en 32
tous les éléments de la gitanité m'entourent comme dans une apothéose de la vision tubulaire
je suis la figure noire qui se voit dans la lueur du point de fuite
les "pitas" et la mâchoire de la vieille muraille
+
voyons le sinistre jeu de l'oie
semblent dire les deux canards au chien griffon
et l'ombre d'un chien autre, débout
compose diagonale contre l'ombre horizontale supérieure
un canard blanc pur, l'autre sombre mixture
tous deux porteurs de plumes, privés de main
(33)
+
S'interner dans les quatre dernières photographies de ce rouleau
du plan général au gros plan sur un détail du mur
du plan général avec trois portes
comme dans Le Songe de Poliphile
et une image ponctuelle à la fin
l'on doit avoir besoin d'extase
pour mourir de rire à base d'associations
ici l'on tue de plaisir les intellectuels
du plan général avec grand chien dormant
sommeil profond sous le soleil
chaise en plastique à droite de la porte du centre
vigne grimpante et torse nue pour le soleil d'hiver
objets énigmatiques et évocateurs jamais excessifs
zoom sur la première porte à gauche
qui porte le 57 à la main sur 36
"azulejos", des plaques de céramique à chaque côté
comportant des dessins et des textes
deux plus deux
+
où mènent les portes du songe ?
+
souvenez vous qu'on vient de croiser Marie et Joseph
zoom sur les deux azulejos à gauche de la porte première
comme si c'était l'oie de la fin de jeu
en fin de rouleau l'un porte une belle poire
l'autre une belle femme et deux voyeurs
le dicton inscrit une Genèse parodique
sous l'image cocasse l'Ancien Testament
"Et Dieu créa la Femme, et il dit:
Je vous envoie ça !!!"
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vendredi 28 janvier 2011
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