vendredi 28 janvier 2011

planche "picto" 11 d'Eve Livet

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planche "picto" 11

la planche chuchote son charme

un étalage diabolique de détails

une perfection répétée comme le losange

de l'ange déchu de l'image, la vipère

d'une Cléopatre dernière pour un secret paysage

+

à 0 nous sommes à la dernière maison

les vies dedans sont la frontière mille fois

franchie par le chant et l'ombre

et scellée par le dessin cabalistique de l'ombre

qui projettent les vieux cyprès de leur baiser rêvé

depuis le Carmen de la Victoria

sur le visage lavé et orné de coupelles en cuivre

de la maison à gauche selon on remonte la pente

la Cuesta del Chapiz qui sépare les deux quartiers

avant que ne le fasse la montagne et la muraille arabe

combien de respirations profondes de laurier

combien de gestes redressés, de ceintures attachées

combien il ne faut ralentir, fumer, attendre

combien l'oracle du couteau et Marie Mère de Dieu

ne voit-on dans les murs initiateurs de ces deux

crépusculaires maisons au bord ?

+

le chemin d'un quartier descend et l'autre remonte

+

l'on voit l'entrée sur 1

décoration opaque et dort-le-jour des fêtes suspendue

arbrisseau, statue, chemin

ça monte, tel Satan est monté aux branches

de la connaissance

une fenêtre à chaque histoire

un dialogue à la porte

une ignorance impossible de la symétrie du Bien et du Mal

quand l'art est capable de vous le rendre en photo

et bien d'autres lectures du livre profond

attendent ma vue cupide dans le chemin du Sacromonte

c'est pas par hasard que cette prise de vue 1

soit surexposée ou brûlée en partie

+

les flash de couches de tourisme depuis les temps de la dictature

brillent comme le sperme sec sur l'âme du dernier quartier

les reliques d'un saint apocryphe trônent au fond du serpent

du chemin qui nous guide à la danse, à l'ivresse, à la prière

les flash restent à la porte, hésitent, pénètrent

jusqu'à faire vomir la terre son génie, sa griffe

la patte de poule qu'on avale

dans le théâtre de l'enfance, la misère inconcevable

d'une monnaie de plomb, d'un calligramme négatif de l'or

d'un négatif après l'autre sur ce rouleau d'Eve Livet

qui a rendu comme Paracelse culte à Grenade

qui possède le décalque universel des livres enterrés

qui sait se caler pour l'Histoire à chaque torsion du serpent

+

l'on verra Quetzal Coatl si l'on veut s'agiter

sur le nopal ou figue de Barbarie en 5 à 10

+

mais un premier extase apéritif

porte l'écriteau en 2 "TABLAILLO"

la frise de tuiles en terre est un front d'avant la Grèce

un temps de pensée mythologique

la porte en fer avec des arabesques élémentaires de forgeron

promet souffrance et force, le spectacle de la guerre occulte

du dragon et de l'agneau

une guitare semble nous attendre pour tout nous dire

+

dans le jeu de la vie de cette planche je saute 3

je poursuis l'oie

un dessin qui revient nous guider

dans le pressentiment enfantin et la lecture du rouleau

+

un recul aussi ce négatif 4

examen de conscience

Eve se retourne et perçoit en bas du chemin les derniers murs

du quartier profane et juste mi-gitan de mon grand-père

l'Albaicin ou Albayzin selon chacun

seuls les astres chancellent

les ancêtres qu'ils dessinent dans le glacé du sel

se tiennent debout tel des dieux de l'instant

et le soleil est le linceul tremblant du connu

+

pour qu'en 5 nous soyons ailleurs

au sommet des colliers de cyprès et du sfumato

on dirait sortie du haschish la suite

de secousses reptiliennes du Chi, du fruit des aztèques,

du dégradé de plans, parcouru du détail tourné

du feu de l'analyse purgatoire accueillant et sévère

le fruit des aztèques pousse sur les amas de "chumberas"

+

ici en terre sacrée et terre sauvage

le regard est un banditisme

comme le hibou la journée la montagne n'est que plumage

mais le ciel désert dénonce

la tache de poussière d'une lumière alerte

mes pensées ne sont que matière

hurle le sorcier dans la cage photographique

boue blanche tempérée de stupeur qui se fane en violette

ceci est l'histoire du haut pour le musicien qui dort

mes pensées ne sont que matière

que peut faire un chat ?

il passe, il dirige, discret, quelque chose

+

pause en 13 prolongée jusqu'à 17

on trouve une inscription en 17

le nom de la source et le poème d'amour tous deux

en céramique de Fajalauza, technique d'origine arabe

en 16 je pose moi-même pour Eve contre un éclat

la montagne habitée s'habille en chaux comme une mariée se dévoile

en 15 le même banc un instant avant : vide

en 14 et 13 je vous dit "Fuente de la Amapola"

aucune référence à l'oubli dans le poème

mais aux lèvres de la belle ou du chaland qui boivent

l'eau perpétuelle, s'inclinant

incantation discrète de l'eau qui nous désaltère

comme le baiser perdu d'une étrangère

+

toutes les boissons, toutes les drogues

désaltèrent les bouches des grottes abandonnées qui entoure l'herbe sèche

et les menaces

des chiens imaginaires dans l'aloe vera qui rampe

en 18 l'une

en 19 l'autre

et la troisième en 20, seule oblique obligée

+

la plante préhistorique dessine en 21 et 22

des improvisations séphirotiques ou d'utopies japonaises

à rebours du ciel transparent et d'un horizon brisé

elle s'incline, la plante, elle est une substance en déperdition

on dirait que le cyprès seul en érection semble rire

comme un singe accroupi sur la tête d'une image pieuse

comme semble rire l'intelligence du jeune homme

+

j'avance vers la caméra (25)

+

j'ignore ces images d'archétype

deux rectangles en céramique

Marie et Joseph, l'une Immaculée Conception

l'autre tuteur du Doux Jésus, sur le mur

j'avançais vers la mère et le père

vers la mère et le père

en 26, mais ce serait une chute sérieuse

de se convertir si près de l'oie

j'attends de la voir

+

diable de drôle de photographie

contact 27 à la loupe l'on trouve des choses

la tête jeune et hirsute retournée d'un gitan

entrevue surpasser un mur, des ombres de fer

deux chiens, deux attitudes, premiers aperçus des canards

une fenêtre barrée d'une grille et d'un contreplaqué irrégulier

un écriteau : "Cuevas Coloradas"

+

je sens que je deviens laid à longueur de nuit

ma barbe pousse vite, elle me fait l'écriture

du maladif voyant ou prophète qui repousse

je ne peux que dégoûter les manières matinales

moi qui pense encore à ça l'heure de silence des merles de l'hiver

un peu du poète Alfredo Lombardo je prie la candeur bleu

des yeux enfoncés d'un propre fakir espagnol

puisqu'il habite ces demeures et en fait des sonnets

et des leçons de peinture

Picasso et le Minotaure à Paris comme en Espagne

Alfredo m'a salué : "torero", la nuit furtive

des chaînes conséquentes de l'art

le chanteur patibulaire à voix efféminée

le guitariste et lui se sont enfuis en courant

ma tante parisienne appréciée du regard

assise avec Eve et moi

comme une autre gitane au teint brun, les yeux luisants

noir comme le corbeau sa chevelure et sa robe

la soeur du père du jeune peintre taciturne

un agent à moustache me propose : "Ayahuasca"

je m'érige en diplomate

tout ça, qu'est-ce que ça coûte ? tout et rien, le savez-vous ?

+

Picasso brûle de surexposition la photo des colombes (28)

elles sont agencées à l'entrée d'une grotte dans des cages

improvisation du zinc et des tubes en acier et du fil de fer

tout devenu lumière comme les plumes blanches et même l'obscurité

+

les petites plumes des autres couleurs apparaissent

minutieusement grises à la loupe

29 et 30 cages à oiseaux et fenêtre mystérieuse

dramatique masque du plastique d'un sac qui moule l'obscène ignorance et deux réceptacles de terre suspendus aux barreaux

si en plus à la loupe le plastique s'avère torchon digne

+

je saute le 31 et suis mis en abîme avec le décor en 32

tous les éléments de la gitanité m'entourent comme dans une apothéose de la vision tubulaire

je suis la figure noire qui se voit dans la lueur du point de fuite

les "pitas" et la mâchoire de la vieille muraille

+

voyons le sinistre jeu de l'oie

semblent dire les deux canards au chien griffon

et l'ombre d'un chien autre, débout

compose diagonale contre l'ombre horizontale supérieure

un canard blanc pur, l'autre sombre mixture

tous deux porteurs de plumes, privés de main

(33)

+

S'interner dans les quatre dernières photographies de ce rouleau

du plan général au gros plan sur un détail du mur

du plan général avec trois portes

comme dans Le Songe de Poliphile

et une image ponctuelle à la fin

l'on doit avoir besoin d'extase

pour mourir de rire à base d'associations

ici l'on tue de plaisir les intellectuels

du plan général avec grand chien dormant

sommeil profond sous le soleil

chaise en plastique à droite de la porte du centre

vigne grimpante et torse nue pour le soleil d'hiver

objets énigmatiques et évocateurs jamais excessifs

zoom sur la première porte à gauche

qui porte le 57 à la main sur 36

"azulejos", des plaques de céramique à chaque côté

comportant des dessins et des textes

deux plus deux

+

où mènent les portes du songe ?

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souvenez vous qu'on vient de croiser Marie et Joseph

zoom sur les deux azulejos à gauche de la porte première

comme si c'était l'oie de la fin de jeu

en fin de rouleau l'un porte une belle poire

l'autre une belle femme et deux voyeurs

le dicton inscrit une Genèse parodique

sous l'image cocasse l'Ancien Testament

"Et Dieu créa la Femme, et il dit:

Je vous envoie ça !!!"

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