vendredi 25 mars 2011

Trans-blog francophone : Marie-Agnès Michel (2)

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allez, encore une fois pour le plaisir : Amis grévistes
qui ne le serez sans doute plus lorsque vous aurez lu, si tant est qu'entre les piquets et les conciliabules échauffants, et à supposer que vous me lisiez, vous en ayez le temps ou l'envie – enfin, grévistes vous semblez partis pour le durer un peu mais, amis...

emportée par votre fougue je n'ai entendu de vos protestations/revendications/colère que la musique

de vos pas foulant le pavé (ok, c'était pour l'image : le bitume)
à l'unisson de vos gorges d'où montait le chant de la rébellion contre les injustices
contre L'Injuste qui vous est fait, cependant, quid de celui que vous faites subir?

l'injuste des gamins comme mes neveux, de braves petits gars croyez-m'en, durs à la tâche et tendres de partout, des minots qui me boufferaient la soupe sur la tête s'ils ne préféraient se pencher pour me biser la joue
durs au travail d'apprendre, mes neveux, seraient rudement fiers les ceux/celles qui ont lutté pour l'école pour tous, à l'époque où savoir lire et écrire ce n'était pas rien - en même temps paraît qu'on n'apprend même plus ça, aux bahuts spécials Dahus

l'aîné est en fac de biologie (à l'époque où on mourait sabré pour l'école pour tous, la fac on n'en rêvait même pas), le cadet passera son bac cette année
si vous le voulez bien

si les bus&métros fonctionnent afin qu'ils puissent aller apprendre
si les profs y sont et non dans la rue ou/et à la permanence
si vous le voulez bien
ceux qui ont cahin-caha fini d'apprendre, qui travaillent bon an mal an
iront au boulot
et non ramer à prendre froid et essayer d'expliquer au patron ou/et au pôle emploi pourquoi, non, ils n'y étaient pas et vont perdre leurs droits
droit de quoi
si vous leur coupez tout?
et leur forfait mobile un mois comme celui-ci bouffé en deux jours parce que vous en faites quoi, de leurs gosses? dites-leur, hein, si vous avez une idée, eux ils sont dépassés.

Amis grévistes comprenez-moi, la grève je suis pour, c'est comme l'avortement, ça ne se discute même pas
toutefois, au nom du droit à l'avortement ai-je celui d'exiger que toute une chacune illico avorte presto sur mon champ de bataille ?
un beau tas de fœtus qui ferait sûr avancer le schmilblick
une grève forcée du ventre au nom des enfants à venir (si les chirurgiens opérant en série n'ont pas trop massacré les ovaires de ma guerre).



Entre nous, manqueriez-vous pas un peu d'imagination?
ET d'ambition?

Vous protestez contre des mesures iniques en attendant de ce même inique gouvernement, quoi, au juste? que Sarkoland se transforme, magie-magie, en un jardin d'égalité&fraternité?
ouaf, ouaf, oh, les gars, vous regarderiez pas un peu trop la tv?
ou pas assez, d'ailleurs
ou bref, pas les bonnes chaînes.
Ok, sont toutes inféodées, on zappe la tv. Mais les journaux, vous les lisez?
France pays de la Liberté d'expression.
France douce France.

Moi je suis née en Afrique et mes ancêtres Gaulois étaient beaucoup plus blonds que moi, mais je parle leur langue, douce langue maternelle, qui servit à écrire ces lois pour lesquelles maintenant autant qu'hier?
mais moins que demain
il FAUT SE BATTRE afin qu'elles soient respectées, d'abord, appliquées surtout.

At-ten-tion, se battre contre QUI?

Votre voisin de palier et ses problèmes de dents?
Votre cousine germaine qui a mal aux genoux?
Votre fils adoré même s'il vous snobe ces derniers temps?

Ou contre l'Ennemi? le porteur d'injustice à l'étendard d'argent sale sur fond de sable pétrolifère.
Contre un gouvernement qui ferait rire si ce n'était à chialer, et qui fait rire en fait, et ça colle mal au ventre. File la chiasse.
Contre les temps à venir, amis, il faudra être plus fort que le petit con d'en bas qui tape sur les plus petits et chiale quand les grands se pointent – à cette réserve près qu'il n'y a pas de Grands dans ce gouvernement. Que je sache.

Imagination. Ambition.

Bloquez l'Elysée mais laissez votre voisin aller taffer et mes neveux apprendre.
Coupez l'électricité seulement chez ceux qui iront dormir au Ritz etc, ou déménageront temporairement dans une résidence secondaire. Ne vous inquiétez pas, ça les fera chier aussi malgré qu'eux disposent de Plans B, C etc.

Les jeunes qui brûlent des voitures ne brûleront ni une Jaguar ni une Mercedes encore moins une Ferrari: Respect.
Ils feront cramer celle de leur voisin de palier, le vieux con qui se plaint toujours de ses dents, ou de leur cousine germaine, à laquelle ils n'adressent plus la parole depuis des années alors ça lui fera les pieds, à celle-là.

Bloquez les aéroports tout en laissant passer les Païs, ceux qui vont voir la famille, là-bas au
second pays.
Idem les gares. Interdites aux businessmen (à moins qu'ils aient des papiers prouvant leur utilité).
Les écoles? vous tenez Vraiment à protester contre le système scolaire actuel?
Bah, il ne vous vient pas quelques noms en tête d'assez privées pour assez riches pour se débrouiller autrement ? De la maternelle (au pire ils resteront avec leur nounou) à HEC (à moins qu'ils aient des papiers prouvant leur mérite) on devrait pouvoir faire.

Les banques. Merde. Dans les banques il y a bien des gens qui travaillent ? l'argent tourne, pourquoi pas, mais ces gens, ils n'ont pas une idée, eux, de la saleté qui leur colle aux doigts ? sont les mieux placés pour savoir comment la nettoyer, me semble, ces gens qui habitent peut-être en face de chez moi.
Mieux payés mais pas tant plus qu'un écrivain marginal. Au prix de la liberté, s'entend.
Et pas en grève, eux.

Allez les délivrer !
Tirez-les de derrière leurs guichets, que vous décorerez de la guirlande traînée depuis le matin.
Déguisez-les, déguisons-nous, dansons la carmagnole et plantons des arbres de la liberté.
(Par contre, niveau calendrier, c'était super beau, pluviose, novembriose etc, mais perso je trouverais un peu compliqué de changer vu que déjà je compte toujours en francs).

Imagination. Ambition. Palpitations d'égalité&fraternité gorges à l'unisson, la musique de vos pas,
ensemble ou seuls, ceux qui boitent, ceux qui roulent, clopinent, sautillent, avancent gaillardement, roulent du cul, se tortillent...

(auteure : Marie-Agnès Michel)

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