*
courbes sont les phrases qui dépassent l'horizon
le merle émergeant, l’oiseau barbu si j’ose
est le premier qui chante, quand dort l’enfant
encore, et l’ivrogne a le pincement du regret
il est sans couleur comme l’heure de son chant,
longuement le soufi dans l’encre du merle
prisonnier du coffre de l’heure
a cherché ses clés par les ailes de feu de l’ivresse
je suis tombé sur cela dans ton volume d’Attar sur l’oiseau
alors les plumes de ténèbre indécentes de la lettre
de la pitié hypocrite qui arrive en premier
le haut-parleur du désespoir qui se fait l’entendu
qui vole d’une tuile à un échafaud d’antenne
qui ne connaît pas d’autres aigles que les aigles mourants
de ses mensonges matinaux
*
planche 671
alors le merle est persistant comme moi
il chantait avant les nonnes devant l’Alhambra
et il chantera à notre toit entrouvert de la ville de Paris
avant que je sois capable d’expliquer le philtre
de contradictoires sentiments et moments
la syntaxe insaisissable des photos de quelque chose
toujours justes et solitaires, même dans l’amour et l’amitié,
c’est un rouleau complexe et personnel
comme un poème
1-5
pour un mannequin patriotique, telle une amazone,
une Penthésilée du suicide, une beauté derrière une vitre,
à New York, puis tu es chez ta famille
6
à ton oncle et ta tante habillés pour la visite
7
succèdent des verres à champagne flous et laiteux
involontaires et surnaturels
pour, ensuite 8
sur paysage aimer ta grande-mère dans un portrait
suivi du portrait de ta maman 9
qui pose presque en trois quarts
suivi de deux prises innocentes de narcisses
10-11
quand même savantes dans la valeur mystique
du blanc et noir et du cadrage
ensuite quelqu’un
12-16
sur le dossier est écrit 1991, Jacques, et d’autres
s’agit-il d’un bar de France ou d’Espagne ?
17
pagode à argile et à chaux
fronton grec dans mon chemin vers l’école
l’Ecce Homo privé d’une vieille façade de la Placeta del Abad
si près du ciel et languissant
pâleurs du tableau
géométrie du soleil et de l’ombre de l’été
18-21
la vision conventionnelle de l’Alhambra
depuis le Mirador où se trouvait mon école primaire
c’est là, devant ces quatre clichés archaïsants qui refusent
le rouge, le bleu et le jaune
que j’allais rendre mes devoirs et recevoir des coups
c’est là que la chimère de la connaissance
palais anodin de la célébrité et de l’art
Alhambra encore jeune, toujours jeune
elle m’a enfermé dans la prison
d’une tour d’ivoire et de délice solitaire
elle m’a fait regarder les mortels
avec le mépris de l’enfant
dont les pensées sont secrètes comme une arabesque
ou comme le trésor d’un fantôme
22-24
Hollande, portrait d’un jeune ami, A.
au physique sensuel du Maroc et au sourire
fronçant d’imprévu la tête
tannée d’un dieu qui voyage et qui s’offre
au moment présent occupant un poste important
et mondain et cultivé, attentif au plus intime, et discret
sans rigueur, aimant les femmes jolies et aléatoires
de l’état et de l’amitié sagement réchauffée par l’illusoire
comment ne pas voir le présent dans un portrait d’un jeune homme ?
ça se passe au bord d'un canal et des maisons d'Amsterdam
26-27
fleurs de géranium
bataille de paix et de plaisir
qui te précède
28
tu sembles amoureuse
coudes soulevés, mains aux longs cheveux,
volupté, sourire
formellement contrastée mais harmonieuse
29-31
trois portraits de Z.
heureux sous ton regard
clair-obscur d’aristocrate
32-33
deux portraits de ta grande-mère assise
qui retient un chat distrait
photographies qui ressemblent déjà à des dévotions funéraires
et dont tu en as tiré une pour notre écritoire
34-37
dans le jardin
le chat pense et joue
aux dés
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