Cher Nabyl, tu es sûr que tu veux que je publie ta lettre ouverte sur mon blog ? Je peux le faire, à continuation de mon article, par exemple, mais elle me semble un peu longue pour le genre de textes que je mets en ligne et je pense que ce serait, bien-sûr, intéressant de parler de ce rapport continu du cinéaste aux bureaucrates, mais sous une forme qui rende compte d'autres aspects de la création, tel le risque de censure qui vient avec, tel la notion d'image, et autres choses que j'aimerais vous voir développer. C'est universel tout ça, partout il y a de la censure, plus ou moins déguisée. En tout cas, si tu penses qu'il faut le faire comme-ça, je mets la lettre tout de suite. Mes salutations les plus distinguées pour toi et Sophia,Manuel MonteroMerci cher Manuel pour ton soutien effectivement en publiant ma lettre dans sa totalité on montrera aux responsables marocains si jamais ils tombent sur cette lettre et la lisent que le royaume du Maroc qu'ils sont censés servir, n'est pas loin de ce que furent les pays de l'est en matière de bureaucratisation de la vie de leurs citoyens. Merci de la publier Vous avez les amitiés de Sophia et les miennesNabyl LLettre ouverte à Monsieur le directeur général du Centre Cinématographique Marocain
LES CONSEQUENCES DU SYNDROME DE LA COUR DES COMPTES
Monsieur le directeur général,
Par devoir et par respect à ma profession de cinéaste, ,je vous ai adressé une lettre, le 27 avril 2010, pour porter à votre connaissance l’arrêt du tournage de mon film nouveau L’année des mille et une lunes, pour des raisons techniques, climatologiques et financières. En effet, les 750 000,00 dirhams (sept cent cinquante mille dirhams), représentant le montant de première tranche de l’aide, accordée à la production de mon nouveau film, ont été totalement dépensées dans la première phase de production du film L’année des mille et une lunes, dont le tournage a eu lieu du 30 au 2 avril, 2010, au nord du Maroc ( Aknoul, Cassetta et Hoceima), et du 8 avril au 25 avril 2010, dans la vielle médina de Fès.
Tout en souhaitant pouvoir reprendre le tournage de mon nouveau film, le15 mai 2010, comme je vous l’ai écris dans ma lettre du 27 avril 2010, j’ignorais que la machine bureaucratique qui se cache au fonds du fonds d’aide du CCM, m’attendait au tournant pour me punir , voire m’humilier.
Comme vous le savez mieux que quiconque, le versement de la deuxième tranche de l’aide, n’est accordé qu’une fois que toutes les pièces relatives aux justifications des dépenses de la première tranche, sont étudiées et passées au peigne fin, par le secrétariat du fonds d’aide que dirige madame Saloua Zouiten, assistée de monsieur Ahmed Bourass, lui-même assisté de messieurs Aziz et Brahim.
Par ma lettre, datée du 15 juin 2010, j’ai porté à votre connaissance que j’allais, le lendemain 16 avril, déposer mon dossier contenant toute la comptabilité ainsi que toutes les pièces justificatives, relatives à l’utilisation des dépenses de la somme sept cent cinquante mille dirhams, représentant la première tranche de l’aide, accordée à la production de mon nouveau film L’ANNEE DES MILLE ET UNE LUNES.
Effectivement, le 16 avril, j’ai remis à monsieur Ahmed Bourass, en main propre, le dossier que m’a remis, la veille, l’expert comptable, monsieur Mohammed Saïd Talbi. Ce dossier que monsieur Mohammed Saïd Talbi a constitué, suite à l’étude de toutes les pièces et de tous les documents relatifs aux dépenses des 750 000,00 dirhams, que je lui ai données, le 2 mai 2010, et qu’il a établi et présenté, selon les critères que le secrétariat du fonds d’aide lui avait fournis, allait lui aussi subir la machine bureaucratique du secrétariat du fonds d’aide et consors.
Cela a commencé dès le premier jours où j’ai remis mon dossier à monsieur Bourass qui le passe à monsieur Aziz. Monsieur Aziz m’annonce, d’entrée : “Afin que la deuxième tranche soit débloquée le plus vite possible, envoies-moi par courriel le tableau des dépenses CAISSE et BANQUE.
Surpris, je demande à ce fonctionnaire du CCM si c’est le règlement du fonds d’aide qui le stipule, ou c’est une idée à lui. « Oui, c’est le règlement qui le demande», Et devant mon regard interrogatif, il ajoute : « Tout le monde nous envoie les comptes par courriel ».
Après avoir consulté monsieur Bourass, monsieur Aziz rend mon dossier et me dit de retourner chez moi pour inscrire la lettre B (Banque), ainsi que le numéro de chaque document, sur la page du relevé bancaire. Me voilà apprenti coursier. Quelle joie !
Le lendemain, 17 juin 2010, je me présente à nouveau, au secrétariat du fonds d’aide pour remettre le dossier à monsieur Bourass. C’est monsieur Aziz qui me reçoit dans son semblant de bureau. Et au lieu de prendre le dossier, de l’ouvrir, de le parcourir, de faire semblant de l’étudier, pendant que j’étais encore devant lui, afin de voir s’il ne manque aucun document, monsieur Aziz, en bon « bergag », se met à me tenir un langage que je ne peux tolérer ni accepter : « Beaucoup de cinéastes réalisent leurs films en utilisant seulement la première tranche », me dit-il. Continuant dans sa lancée, il martèle que s’il venait à manquer un seul petit document à mon dossier, la deuxième tranche de l’aide ne pourra être versée. Totalement choqué par un tel langage à la limite de l’accusation, je pique une colère noire pour apaiser ma révolte intérieure. Je dis à monsieur Bourass qu’ils sont là pour nous aider à faire nos films ety non pour nous compliquer la vie. Sur ce, monsieur Bourass me dit de rentrer chez moi et de revenir avec un dossier complet, c’est-à-dire un dossier contenant les contrats des acteurs et des techniciens, avec les photocopies de leurs cartes nationales, les photocopies des chèques qu’ils ont reçus et des attestations de reçu qu’ils ont signés. Je dis à ce gentil et inoffensif assistant que toutes ces pièces demandées, à savoir les contrats des acteurs et des techniciens, avec leurs cartes nationales, les photocopies des chèques donnés et des attestations des reçus, se trouvent à l’intérieur du dossier et qu’ils n’a qu’à ouvrir le dossier et vérifier.
Le lendemain 18 juin 2010, je confie mon dossier à monsieur Bourass qui le donne à nouveau à monsieur Aziz qui me dit qu’il lui faut les photocopies des cartes nationales des comédiens et comédiennes, les photocopies des cartes nationales de tous ceux et celles qui ont travaillé dans le film, en tant qu’artistes, ainsi que les photocopies de toutes les personnes qui nous ont vendu quelque chose pour les besoins du film.
Encore une fois, je rappelle calmement à cet employé du fonds d’aide que dans le dossier que je viens de lui remettre se trouvent tous les contrats de tous ces comédiens et ces comédiennes, avec leurs adresses, leurs numéros de CIN ainsi que leurs attestations sur l’honneur du montant du cachet qu’ils et qu’elles ont reçu, des attestations sur l’honneur signées et portant leurs numéros de CIN, ainsi que leurs adresses. Rien à faire. Le courant ne passe pas.
Je pars donc à Fès à la recherche des photocopies des cartes nationales de tous ceux et de toutes celles qui ont travaillé dans le film, en tant qu’artistes, et de toutes les personnes qui ont vendu quelque chose pour les besoins du film. La récolte fut bonne. Tout le monde accepta volontiers de me donner la photocopie de sa carte nationale, à l’exception de ceux et celles qui n’en avaient pas ou ne voulaient pas la donner.
Le 20 juin 2010, je me présente à monsieur Bourass, l’assistant de madame Saloua Zouiten, pour lui redonner, pour la troisième fois, le dossier. Monsieur Bourass me dit que je suis en règle en ajoutant : « Je vais préparer la demande pour le déblocage de la deuxième tranche. Revenez me voir dans deux ou trois jours. Ma Ghadi ykoun ghir lekhir ».
Jeudi 22 juin 2010, ne recevant aucun signe de la part des responsables du fonds d’aide, je me présente au bureau de monsieur Bourass qui me fait savoir que le volet BANQUE ne lui a pas été envoyé par courriel. Sur-le-champ, J’appelle monsieur Mohammed Saïd Talbi, l’expert comptable, pour lui demander d’envoyer d’urgence le relevé des dépenses « BANQUE », à l’adresse électronique du fonds d’aide. Il le fait sur les cinq minutes qui suivent mon appel téléphonique.
Voulant m’assurer que mon dossier relatif aux dépenses de la première tranche de l’aide est en règle, une fois pour toute, je demande à mon épouse, Sophia Hadi, qui est aussi ma précieuse et dynamique assistante, d’aller s’enquérir auprès de monsieur Bourass, si nous sommes en règle en ce qui concerne les dépenses de la première tranche. Ce dernier fait remarquer à madame Sophia Sadi qu’il manque les justificatifs des dépenses de la somme dix mille dirhams.
Le secrétariat du fonds d’aide n’acceptant que les attestations de reçus, accompagnées des photocopies des cartes nationales de ceux et celles qui les ont signée sur l’honneur, et les dépenses accompagnées de factures cachetées, plusieurs milliers de dirhams n’ont pas été comptabilisés pour absence de cachets et de factures Comment un boucher qui nous vend pour cinq cents dirhams de kafta, peut-il avoir un cachet, ou accepter de nous donner la photocopie de sa carte nationale. Absurde et aberrant. Comment une vieille femme, marchande de vieilles fripes, enfouie au fond d’une petite échoppe pleine de vieux caftans, peut-elle avoir un cachet.
Je signe donc une attestation sur l’honneur stipulant qu’en ma qualité de metteur en scène du film L’année des mille et une lunes, j’ai reçu de la part de la société Loukkos Film, la somme de dix mille dirhams, représentant les frais pour les préparatifs et les repérages pour les besoins du tournage du film L’année des mille et une lune, Cette fois-ci, monsieur Bourass pense que le dossier relatif aux dépenses de la première tranche de l’aide, est définitivement en règle. Il va, selon ses dires, préparer la demande pour l’octroi de la deuxième tranche. Cela s’est passé le vendredi 23 juin 2010. Mais ni le lundi 27 juin, ni le mardi 28 juin 2010, mon dossier n’a été étudié de A à Z. Il est toujours suspect.
Aujourd’hui, 30 juin 2010, je vais voir monsieur Bourass pour savoir ce qu’il en est du versement de la deuxième tranche. Monsieur Bourass me dit froidement qu’il est en train d’étudier le dossier qui doit être étudié par d’autres personnes, avant d’être présenté au directeur général du CCM pour signature. Monsieur Bourass ne sait pas que depuis plusieurs semaines, les comédiens n’arrêtent pas de m’appeler pour savoir quand ils vont pouvoir tourner. Il en est de même pour les techniciens.
Je demande voir madame Zouiten à qui je dis toute ma tristesse et ma déception. Car comment expliquer que ces employés du fonds d’aide qui ne cessent de me répéter qu’il leur arrive de régler des dossiers, plus compliqués que le mien, en moins de trois heures, n’arrivent pas à faire le tour de mon dossier à moi, qui continue de squatter chez eux, depuis le 16 juin 2010. Même Franz Kafka ne s’y reconnaîtrait pas dans cette machine bureaucratique made in Fonds d’aide and co.
Lorsqu’en ce 16 juin 2010, je demande à Madame Salwa Zouiten qui a bien voulu me recevoir si je peux espérer obtenir la deuxième tranche de l’aide pour pouvoir reprendre le tournage de mon film, le premier juillet 2010, la chef de service de la production au CCM, me dit que cela lui parait très difficile, car, entre le 16 juin et le 30 juin, le délai lui paraît est trop court pour se pencher sur le dossier. « Et puis, le dossier doit contenir toutes les pièces justificatives, prouvant que vous avez, au moins, tourné la moitié du film », me madame Zouiten
Comment un cinéaste peut-il tourner la moitié d’un film, avec seulement le montant de la première tranche de l’aide, surtout quand ce montant de l’aide est de 750 000,00 dirhams, comme c’est le cas pour mon film L’année des mille et une lunes dont la durée est de 2 heures 30, (deux heures trente). 750 000,00 dirhams sur les quels il faut prélever le prix de la pellicule 35 mm à 22 dirhams le mètre, la location du matériel de prise de vue, la location du matériel de prise de son, la location de la machinerie, du matériel d’éclairage, etc…
Dois-je en vouloir à ces fonctionanires qui ne cessent de me répéter qu’ils ne font qu’appliquer les instructions.
Je vous prie donc monsieur le directeur général du CCM de mettre un terme à ces instructions dévastatrices, et à cette bureaucratisation que je viens de vivre du côté du fonds d’aide. C’est une fatale et nuisible bureaucratisation des esprits, qui, si elle s’installe dans les mœurs, telle que je l’ai vécue et subie, va sûrement, et dans les plus brefs délais, tuer la création cinématographique marocaine définitivement, et dégouter définitivement les rares créateurs-cinéastes de notre pays, de continuer à rêver de faire de la création cinématographique. Car si le syndrome de la Cour des Comptes continue de hanter les responsables du fonds d’aide, il faut s’attendre à voir les voraces prestataires de service et leurs frères, les gloutons escrocs, s’emparer définitivement de la production cinématographique.
Quelle horreur et quelle grande tristesse pour notre pays.
Avec mes salutations distinguées.
Rabat, le 30 juin 2010
Signé : Nabyl Lahlou
C’était un poème on line. Que s’était il passé de mes trois Dulcinée ?
Vous avais je dit que j’aimais fantasmer que Diogène était Marilou ?