jeudi 9 décembre 2010

la peau douce



huiles sur papier format DIN-A5


Je devine Balzac par Truffaut, puis par l'usage qu'en fait pendant son rêve Clément Rosset dans La nuit de Mai. L'on comprend mieux le passage en rêve chez Rosset d'une philosophie chez Balzac, dans l'illustration du désir, in fine, mécanique, structurel et... destructeur, qui fait le film La peau douce de François Truffaut. J'ai envie de vous inviter à écrire à ma place. Diriez vous "destructeur" ou "destructif" ? Notez bien que je tombe moi-même dans le piège que je vous tends. Autrement dit, je n'ai pas lu Balzac, mais chaque fois que je prends du café la nuit je pense à lui, c'est tout bête, je sais. Mais aussi, à cause des 400 coups (un autre film de Truffaut où je vous rappelle, le jeune Antoine Doinel rend culte comme à une image pieuse au portrait de Balzac), je pense spécialement à une curieuse lignée chez les français les fois où comme aujourd'hui il y a le feu d'une bougie à côté de mes cahiers. Je me demande même si les français n'allument pas les bougies différemment des espagnols ou des mexicains.

Je vais modifier le sujet : toujours à propos du désir, je me trouve ces derniers mois dans la recherche d'un ou plusieurs acheteurs pour mes toiles. Cela conditionne toutes mes entreprises, conscientes ou pas, de séduction. Elles prennent toutes la forme d'idée fixe à cause du besoin d'argent (c'est assez banal, mais j'imagine que je serai par là entré dans l'univers de Balzac).

Donc, la maladie du désir, l'idée fixe conséquente au manque, aurait pour Rosset une alternative, une forme plus proche de l'ataraxie (diriez vous "apathie" ?) dans l'univers antagoniste de La recherche du temps perdu de Marcel Proust.

Et là, venant de peindre une petite huile obscène, je suis tenté d'aller plus loin que Rosset et de dire que l'antidote de la misère du désir mécanique, structurel... est dans la mixture, l'impureté d'une certaine complaisance dans l'apathie, d'une machine arrière dans le récit ou, pour revenir à la peinture qui est mon métier, cette fameuse mise en abîme du peintre grec racontée par Pline, quand, fatigué par l'échec de son travail, il jette une éponge sur le tableau, le souillant et le ruinant, mais en obtenant ainsi la vérité de l'écume de Bucéphale ou de Cerbère.

Dans la sexualité qui m'est connue, et qui est une des plus communes, seule la femme a la possibilité d'éprouver plus d'un seul orgasme dans un lapse de temps inscrit dans le même "acte". Il revient des soi-disants gender studies, tels qu'ils imprègnent l'idéologie, que la transgression de cette différence par la confusion sexuelle permettrait d'autres performances. Est-ce cela tellement souhaitable ?

Autrement, toujours en rapport avec l'orgasme, n'est-ce pas celui-ci en tant que prestation ou performance, la forme minimale et animale de "travail" qui réside en nous ? Là le nouvel homme de la psycho-philosophie américaine serait en train de parvenir à l'égalité "au travail" par la confusion. Mais non, les américains nous pardonneront tout, même l'homme masculin est possible, à titre presque d'une forme d'anorgasmie.

Du coup, ne les ayant pas lus, Proust et Balzac, sont dans le désir pour moi des sortes de Scylla et Charybde de pure ignorance, me voilà participant à l'inconscient du rêve de Clément Rosset, et ce qui me vient à l'esprit c'est la souillure de la tunique d'Athéna, patronne d'Ulyse, par le sperme d'un certain satyre. L'intelligence ne peut être totalement divine, elle est forcément souillée, puisque un mortel rusé peut contourner la mise à mort sacrificielle des îlots.

Certains curieux pourraient être étonnés qu'un peintre figuratif s'exprime sur la sexualité comme un médecin (pour tout dire l'on comprend forcément à moitié notre médecin), sachant qu'il a à sa charge de rendre les portraits de ses contemporains. Ceci est mon cas, je n'ai peut-être pas appris à allumer les bougies comme un français, mais à force de voir des films de Truffaut, j'ai acquis le geste propre à Antoine Doinel, qui me fait peindre et penser en français.

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