*
la planche 571 est neutre
c'est un cahier de notes aux USA
loin de la vision de fauve de la vie nocturne
des portraits de collègues
que tu n'as plus revus
mais qui sait ?
Tu me demandes : c'est "COCAINE" ?
à cause de la photographie première du rouleau
qui est un affiche persuasif
où un bel homme poli et sombre pointe
son court revolver sous sa narine gauche
sauf la photographie 12
où l'art néglige délibérément
la politique pour l'approche d'un romantique cimetière
toutes ces photos se voulaient des témoignages ou des notes
donc des visages de l'image à revenir dessus
des allusions
*
planche 570
STOP WAR
ou
WE SUPPORT THE TROOPS ?
j'ai besoin de lunettes ou de loupe
qu'est-ce que tu as fait de la loupe ?
ton regard d'artiste se pose sur cette épigraphie
dans la fugacité du mobilier urbain
puis des arbres
31 32 34 35 36
des tours 7 13 14 15 16 33 de Babel
des glaces de librairies
26-30
même les deux vues de la mer
21 et 22
sont des questions de détail
qui me semblent écrites
sur un contrat de banque, si je peux dire
mais le détail est gris
la miniature du gris est un signe
semblable à la présence de couleur
au sourire de la Gioconde
au milieu du peuple d'appareils photographiques
qui viennent l'embrasser de loin
comme la neutre courtisane
New York méprise les artistes amateurs
et les touristes
qui l'excitent trop avec leur innocence et leur flash
et vous conduit de la main à plein de réflexions philosophiques
dans son labyrinthe parsemé de peaux de zèbre
et de troncs de soldats ou d'arbres enfumés
on se laisse guider par ta promenade
Gioconde clignotante de ta planche contact
et nous sommes néophytes du musée
comme celui qui ne connaît New York
*
*
Je suis resté trop dans l'histoire
dans la jalousie du temps
et les planches 570 et 571
sont une écurie de beaux cadrages
sont la gymnastique de l'oeil
sont des constructions pour un autre temps
où ce pur-sang de caméra courra comme le souffle d'un rêve
sur le sujet vivant, sur la roche
sur le chemin de l'art
Everest de souffrance dans la noirceur du sel
anatomie de l'image qui justifie le hasard
le cheval du cadrage
dans la statue équestre du dieu
le regard éternel
du vampire
du tirage de laboratoire pour professionnels
du passe partout et la signature au dos
du numéro limité
le regard éternel
qui nous bombarde dans l'amour et l'orgasme
dans la mort et dans l'enfance
quand la lettre est un geste lent
comme l'arrêt du connaisseur
ou l'âge dans les doigts d'une main
toutes ces pensées qui courent dans l'oppression du cadrage
comme courent les heures inutiles du Louvre
ou de la statue de la Liberté et de ses obélisques fourmillants
les heures vampirisées par l'art
par la parole ou par l'oeil profond
des années qui passent sur ta valise prête
*
Tu lisais Le fou d'Elsa
quand tu prenais Grenade
sans le soupçon d'un grenadin
qui lirait le Matisse d'Aragon
et Les manigances d'Elsa Triolet
et qui ferait collection de tes prises de Grenade
*
mardi 8 juin 2010
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