dimanche 20 juin 2010
New York et un vernissage parisien dans les photographies d'Eve Livet
*
tu m'entends pleurer ?
depuis le lit tu te demandes
qu'est-ce qui va pas ?
la musique me fait pleurer
how many times... Nico aux petits écouteurs de cabine
ma jambe nerveuse branlant la chaise
finit par te sortir du silence
la vue sur une photo grise de moi
j'en ai eu une pensée abstraite
et le sel et l'eau du regard
les rétentions qui lâchent des gorgées
de joie triste, esthétique
ta caméra et la vie sociale
dessinaient mon sourire et mes gestes
dans le choix du blanc et noir
électronique
une impossibilité permise
l'analyse du bien et du mal
par un comptage d'intensité lumineuse
sur nos figures
cette fois-ci la blessure
sur une peau de gélatine par l'éclat
était remise au meilleure à venir
si l'art avait un avenir
*
les musiciens feront des vinyles
et tu vendras par Ganesha
des tirages de photographie classique
tu seras comme un Parthénon pour le jeune
indiscernable de l'âge noire
où seul l'argent paie le sel
où le loisir de l'art est dans la minceur du luxe
tu resteras photographe d'art
toi qui as voulu être historienne
par tes études à vingt ans
puis historienne de champ dans la presse
internationale
j'ai encore des planches contact de New York
à lire, à raconter en rime abstraite avec tes rêves
tu vas me trouver et tu vas être avec quelqu'un
et tout sera rose
de papier, comme pour rester
et tout sera rose pour de vrai
pour le sentir assoiffé de parfum
les photos accidentellement numériques
seront parfois semblables au marbre
qu'une rude érosion a rajeuni
lui rendant le sourire inspiré
de la pierre perdue
sais-tu que la mémoire de Pline
tenait pour artiste le peintre
et non l'architecte ?
mais tu sais bien la promenade
du soleil et de la lune
et pourquoi l'écran nous protège
de la vie sauvage du nuage et de l'oie qui migre
pour nous le rendre dans une toute autre image
ces gaules aux portes de Rome
qui sont dans le sommeil et que les écouteurs
m'expliquent d'un son impératif et magique
rituel de guerre et frontière des insomniaques
où de ceux qui devinent le jour
tu voyais des griffes dans une main
obscure approchant du lit
une panthère visiteuse des sources de ta vie
dans la forêt des photos
dans la nocturne esthétique du blanc et noir
du rêve et de l'éveil même en musique en silence
tout un disque à écouter tout un roman kafkaïen
toute une oeuvre majeur à connaître
se fatiguent les chasseurs de pur bonheur
dans le pubis du poème
introuvable en langue originale
dans les journaux du kiosque à merles
dans la guitare espagnole qui ne suffit pas
sans une autre culotte
que le poil de la parole
et va t'en lectrice raconter
l'homme dans la femme et la femme dans l'homme
la copulation des artistes entrevue
Oedipe et Jocaste sont chez toi à la Pléiade
chez moi c'est mon père qui parlait de Pasolini
Oedipe et Jocaste s'accouplent chez nous
quelque part
*
Pourquoi pas confondre
tragédie grecque et jeu courtois ?
N'est-ce pas cela
la technique de l'ombre ?
qu'elle soit du passé ou du futur
l'ombre enfin n'existe pas
sans la possession du négatif
sans le bain
ou ce soir sans le mensonge du lendemain
je ne serais poète mais diable pauvre
tombé de très haut
si je n'étais pas content sur l'écran
personnage de ton monde
un dossier de fichiers
dans une valise sur la table, stable
mais fatale et cholérique comme la ville
longue à traiter
comme un malade qui tient
esquimau tuant la phoque
toréador obscène en or et rose
Oedipe tuant Laïos selon l'orthographe du volume
impondérable présence de culture dans le passé
*
si l'on change de sexe
pourquoi pas le crime ?
énigme anthropophage
qui tombe à mes pieds chaque soir dans le meurtre du père
j'hérite sa muse et non pas sa prose
le volume de La Pléiade, le film de Pasolini, la pose
mais ma prose se dit dans mon crâne
précoce la réponse tue le monstre
je compte tes livres tes planches de New York
et tu feras de beaux rêves le matin
femme enfin dans le temps
même si ce soir
un autre regard
parlait et parlait son murmure de lettres
différence de l'instant et du langage
dans un seul corps de chimère
dans une armure
dans un livre
*
sur la préparation du café
au gré de ses voyages
par téléphone me conseille
depuis presque vingt ans
ma jeune amie Ludivine
ai confiance dans l'alchimiste
qui fera de l'or noir ce soir
pour l'encre ou pour le vide
enfin lumière aux yeux
comme une de tes photos
qui existent endormies et dans la matinée
sont des papiers ou du travail à faire Dieu merci
Dieu merci éléphant rose dont parlent les locuteurs
Dieu merci ma main pince tes fesses
Dieu merci l'injustice est saisie
Dieu merci quatre fois comme les saisons
il y a pas de cerbère de l'année
ni de Lune dans le plaisir de D'Annunzio
confessé tout à l'heure à une autre
le joueur est littéraire
le suicide de Pierre Drieu de la Rochelle aussi
dans la conversation suspendue
ne t'en fais pas du secret
que je ne connais pas
source à mon museau de léopard
je le respecte et je hurle vaguement
chaque nocturne silence qui me rend impatient
chaque cafetière tordue à refaire
chaque fenêtre fumante qui veut être sainte
les édifices fouettent déjà mon fantôme
New York semble exister dans la planche 572
*
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