jeudi 12 janvier 2012

Le Purgatoire (II)







Or, depuis Dante on connaissait la sortie de l'Enfer, qui ne se faisait qu'à deux. Ce n'est pas tant tellement parce que Dante ne veuille abandonner Virgile dans le monde souterrain, mais bien qu'on sort en comptant les sorties, "il primo", "il secondo", que la sortie de l'existence en tant que Prison, est un fait collectif. Dorénavant la vie qu'on vivra, non sans pénitence, au Purgatoire, sera un échange avec les âmes amies, un dialogue et in fine l'existence la plus semblable aux libertés de la vie humaine, puisqu'aussi-bien le Paradis que l'Enfer avaient beaucoup de la solitude et la sidération de l'enfermement. Ni le Paradis ni l'Enfer sont réglés comme l'espace, par la cardinalité de l'espoir. Il y pas de Nord au Paradis, de même que personne ne regarde la Mecque pour prier quand il est en présence d'Allah.

Mais la simple évocation du Paradis est prématuré si l'on s'occupe vraiment d'un dépassement de la fixité du prisonnier. Les prisons n'ont plus de points cardinaux, puisqu'elles sont par essence la suspension de tout déplacement. Et si l'on veut en sortir, il faut pas non plus regarder Dieu face à face. Elle est d'ailleurs prudente l'attitude de Moïse et celle de Persée surtout, se servant du miroir pour que l'ange puisse se mettre en présence de soi-même, et évitant de projeter sur lui un regard humain.

Donc, on peut noter comme un premier point de la purgation l'abstinence de toute vision, là, où Virgile ou Dante auraient attendu, en sortant de sous la Terre, avoir plus de lumière pour voir dans l'espace de choses souhaitables. Leur Nord, leur regard, est une reconnaissance de la lettre, non pas de l'esprit, auquel on doit d'abord renoncer.

C'est bien à la verticalité humaine et botanique, unique par rapport à la vie du quadrupède, qui nous est dû l'aspect lumineux des points cardinaux, la solution de la pénombre. Ou la nécessité du politique implicite au pèlerinage, à l'exil, qui caractérisent la condition humaine dans sa dignité. Mais le réveil n'est jamais le même, sinon, de même que la variété règne sur l'horizon rocailleux de nos dialectiques. Et le réveil est semblable, comme la verticalité, à la séduction avant et après l'union, il est forcément scandé par l'amour, par l'évanouissement, par l'hystérie, la névrose, l'écriture, qui en sont en fait son horizon et la garantie d'un coeur derrière chaque pôle.

C'est comme cela que Shelley envisage toujours une aspiration (plus encore qu'une inspiration) révolutionnaire, une honnête présomption, un métier de musicien qui rend la tension du politique, le désir de s'envoler ou de demander l'impossible, même s'ils restent la seule représentation de la liberté en Enfer. Chez Shelley on pourrait dire que la verticalité de son progressisme n'est possible qu'après l'expérience du Mal et de l'injustice, sous forme de ce qu'il énonce comme la percée de la Nature dans sans jeunesse passive, en prenant des vers au hasard. Nous ne devons pas oublier, ailleurs le Shelley à l'eau de roses, le Shelley des Cenci, bien prémuni sur la non innocence de la nature humaine par ses lectures d'un notoire prisonnier comme l'est Sade.

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