vendredi 30 septembre 2011

Sur Dante XXXV (les libertés)



Il serait édifiant de se dire que Dante porte des singularités, de la modernité par rapport à ses contemporains. Mais il a vécu à la fin du Moyen Age, une époque trop complexe pour que l'on puisse avancer une quelconque vérité. Dire que Dante est innovateur, je sais pas... je ressens que c'est un propos de boy-scout littéraire. On a déjà fait le contraste obligé avec Cavalcanti, et c'est une petite enquête de rien. Dante est peut-être une autorité pour nous, une mesure standard, mais il me laisse froid. Je relis et ne trouve rien qui soulage, comme il peut m'arriver avec le reste des livres que je suis en train de lire.

Sinon l'intérêt de la Divine Comédie est autre chose, relevant plutôt de l'horreur, de la bêtise monumentale qui peut être une vie humaine. Bien dosé, c'est un traitement de facto pour une bonne dépression, c'est peut-être pour cela que le livre reste, comme ceux de Sade, d'ailleurs...

Je voulais vous parler d'une idée qui chez moi vient d'atteindre son paroxysme d'angoisse, une fois vérifiée sa qualité chimérique et même "bête" dans le sens du dantesque.

J'ai été frappé par l'éloquence avec laquelle Swimburne, dans un vers que j'ai cité précédemment, revendique "la Liberté". Je suis tellement partagé et confus... Je remarque comment ça peut être ridicule cette exaltation, qui vient à la bouche de véritables marionnettes humaines, des loques existentiels, tels les "écrivains de droite", que j'ai pu connaître plus ou moins et desquels je me suis toujours apitoyé et montré indulgent. Je reconnais quelque chose de ma propre condition marginale chez "l'écrivain de droite", mais c'est tellement sale, tellement "calice amer" pour moi... Si je me surprends à me justifier au nom de "la liberté", comme ils font parfois, je ne peux qu'avoir honte, au vu de ce qui est appelé "liberté" par ces gens là... Mais Swimburne semble lui donner une telle impulsion musicale, au mot "liberté", que je reviens sur mes pas et je commence à faire un autre genre de constats :

a) de facto, ces revendicateurs de la liberté sont souvent sous l'aile d'une administration qui multiplie la surveillance

b) la surveillance est faite au nom de la sécurité

c) la sécurité consiste à un traitement préventif de la conduite qui traite la masse sociale comme incapable de se conduire proprement par elle-même, comme les enfants

d) autre chose, l'exaltation libertaire, de droite ou de gauche, et je le dis par l'observation "in vivo" chez moi, vient associée à une irritation qui est détournée de son origine réel et quotidien, tout comme le fameux mécanisme onirique de "déplacement" signalé par Sigmund Freud, ce qui ferait en effet du sujet ce que la surveillance prétend, quelqu'un d'enfantin foncièrement

e) alors ?

f) ouais, toute problématique de liberté amène à un cercle vicieux

g) mais la prise de conscience... ? ne serait-elle pas essentielle, pour évoluer, ou simplement pour qu'il existe une vraie "conduite", qui soit pas du domaine de la manipulation ?

h) or, il semble qu'on a décidé à notre place que la liberté ne doit être pondérée dans sa dimension problématique et, en conséquence inévitablement risquée, mais qu'elle soit un succédané, une caricature

J'avoue que ces pensées au cru sont pas du tout "délicieusement originelles", mais qu'ils ressentent le mâché du réel. Je m'éloigne du domaine poétique et c'est ennuyeux, mais je crois que c'est important d'apposer ce commentaire prosaïque au vers de Swimburne dans son hommage a Victor Hugo. Je rappelle cette sorte de "slogan" de Swimburne :

But we, our master, we

Whose hearts uplift to thee,

Ache with the pulse of thy remembered song,

We ask not nor await

From the clenched hands of fate,

As thou, remission of the world's old wrong;

Respite we ask not, nor release;

Freedom a man may have, he shall not peace.


Heureux soliloque que le mien si je n'arrive pas à faire la connexion du dantesque, in extremis. Laissez moi du temps, je risque de partir très loin... Peut-être la question de la liberté "tragique" (ni pessimiste ni optimiste, pour dire simple à la Clément Rosset), relie le dantesque justement dans ce contraste entre la grande construction théologique, et sa mauvaise foi, et la catastrophe implicite à toute contemplation (de Dieu ? ou... quoi d'autre ?... la Femme ?... ??? ) depuis l'athéisme (dont il était question en principe chez Cavalcanti).

On est devant l'effroyable, le chiffre, le tatouage du cannibale, devant un grand ETC, devant notre GPS, devant l'insupportable épée du SDF.

Disons tout court, pour revenir à notre giron d'intimité, pour materner un peu notre écriture qui fait si mal, qu'il est dans la Comédie question de ce que par la suite sera l'opposition quietiste de contemplation et méditation. Essayons ce souvenir, il faut respirer, malgré Dante.

...

1 commentaire:

comment grossir a dit…

J'aime beaucoup l'illustration, de qui est ce ?