mardi 22 octobre 2019

cloro al clero in the morning



le serveur, qui me connait et sait que je demande toujours la même chose, me dit : un café allongé ? Sa subtile courtoisie introduit l'hésitation car il sait que le mot "allongé" n'est que l'allongement du mot "café", car ce que je prends c'est simplement du café
moi je réponds : est-ce que je pourrais avoir un citron pressé ?
l'exercice d'écriture qui m'occupe m'amène à développer ma demande de citron pressé : est-ce que je pourrais avoir un citron pressé ? votre établissement serait dans une lecture mécanique l'institution sociale où l'on peut choisir entre café et citron et encore parfois d'autres choses qui seraient spécifiées dans la carte du Menu... or, je sais qu'il faut avoir la dignité de lire les échanges humains de manière non-mécanique et que je voulais vous dire que si je viens m'assoir à la terrasse, la vérité est que la motivation n'est pas d'abord de prendre café ou citron ( j'aimerais vous avoir pu raconter que je me suis procuré une vrai cafetière italienne et une petite plaque électrique et à présent je peux faire du café chez moi et pas le bouillis dégueulasse que par snobisme j'appelais "ma recette de café turc" et aussi que du moins aujourd'hui j'ai quelques citrons chez moi ) sinon que quand je viens chez vous je me sens mieux parce que je vois des gens autour de moi, même si cela produit des émotions variables, de manière générale je me sens mieux, et je rentre chez moi le coeur léger
mais
malgré tout, les limites d'autre part logiques du rapport entre moi et vous font trop long à raconter un fait significatif qui motive mon insistance à substituer le café par le citron à titre exceptionnel, et c'est que je me suis assis avant à la terrasse du bureau de tabac ( j'aime aussi les gens de l'autre part du quartier) et j'ai pris un café il y a quelques minutes
j'aurais pu rester plus longtemps à la terrasse du bureau de tabac mais ce qui accomplit le lien humain ce n'est pas de mener quoi que ce soit jusqu'au bout. En effet, si j'étais resté plus longtemps, si mon caractère n'aurais été si névrosé, si le hasard aurait intervenu, peut-être au bureau de tabac, simplement, sans venir vous déranger avec ma demande de citron, mais laissant patienter le "premier" café, j'aurais été heureux et en plus, j'insiste, si mon autisme de névrosé aurait cédé un peu, j'aurais pu faire ne soit que par une conversation ou un sourire, le bonheur de la journée d'une autre personne
pourquoi multiplier les commandes de bar et perpétuer ainsi le culte inhumain du travail et des rapports tendant à la servitude ? parce que c'est la seule communication que Paris me permet sans subir les humiliations imposées par la permanente surveillance et supervision paternaliste des blancs

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