dimanche 4 décembre 2011

"Tauromaquia" de Goya coloriée




Il était aisé d'écrire dans le pic de la manie, dans le fait d'avoir un objet à traiter, de se sentir accueilli par une écoute, bercé parfois comme on l'est par l'ivresse. Mais ce dont il est question souvent au plus profond du travail c'est le manque d'envie, ou dans la prière, le manque de foi, pour dire court. Chez les molinistes, en Espagne, on parle de "sequedades", des sécheresses (d'âme ou d'esprit, sous-entendu).

Il arrive que j'aie perdu le fruit de mon travail à plusieurs reprises ces derniers temps. Que ça ait été d'une forme spectaculaire par catastrophe naturelle, dont inondation et dommage sur des livres et peintures stockées, ou que cela vienne de perte de fichiers sur lesquels j'avais travaillé intense et passionnément, dans toutes ces situations la frustration a gardé le caractère magique et mystérieux du vécu propre à la modalité "manie de persécution", ou la forme la plus vulgarisée de la paranoïa. Dès que de telles sensibilités s'éveillent trop, l'on se dit qu'il est prudent de réduire l'activité, ou de la modifier, ou d'éviter d'agir sous l'emprise du délire en se rendant quelque peu "paresseux" ou "maladroit".

Malgré quoi, peut-être à cause de l'habitude, j'ai encore peint et écrit, et même persisté dans mes violons d'Ingres. J'ai même, après une certaine impuissance, très réfléchie, pour colorier des planches bouddhiques, entrepris une intéressante entreprise de coloriage de gravures de tauromachie. Non sans humour, non sans humour, je me dis.

La tauromachie s'est imposée en tant que double nostalgie.

La gravure de Goya m'accompagne certainement et cela devient une cérémonie sur laquelle tout discours s'émiette. Ce que j'ai à dire, habituée comme je suis de "l'écriture", subit une sorte de liquéfaction et me rend sur le visage le fait de mon métier. Si j'ai fait mon tableau, malgré que j'aie maintes fois reproché leur mutisme à mes collègues plasticiens, il n'y a pas vraiment grand chose à dire, quant à moi.

Je me proposais quand-même expliquer le sens "de ce que j'ai écrit" en espagnol sur les gravures. Mais avec un peu de prudence, j'en viens à me dire, puisque c'est déjà écrit, à quoi bon de le répéter ?

Sur cela, toute mon amitié aux visiteurs du blog.

...

2 commentaires:

Arthur-Louis Cingualte a dit…

Des merveilles tout cela.

M.M. a dit…

Merci.