lundi 5 décembre 2011

la voix de Marchena




l'efficacité pornografique :


quand vous cherchez une clientèle féminine

au téléphone, ou en tant que poète, ou les deux

il vous faut connaissance des modernes et des classiques

mais il vous faut surtout de la lenteur

ce n'est pas un service à un jeune homme que vous offrez

mais à des femmes de tous âges, qu'il faut désangoisser

vous expliquez d'abord que votre jeu a des principes, sans blague,

vous arriverez même à parler de ce que vous ne savez pas

vous ne vous adonnerez jamais au pastiche,

même si vous connaissez personnellement les auteurs

vous direz aux femmes :

Mais dites-donc, chère Alexandra,

je sors les numéros que vous me donnez comme-ça,

au... hasard

ouf, que ça vous a pris du temps de me les dire,

mais le dernier vous en étiez décidée...

Vous y voilà bien représentée,

par la carte que j'ai mise de mon propre,

au hasard aussi, je vous garanti

:::vous savez, je sors les cartes

avec la main gauche si c'est pour une dame.

Et ça ne rate, quelqu'un va s'insinuer

vous vous marrez ? c'est votre mari ?

ah ! non ! j'ai tout faux, ce n'est pas la première fois que je fais ça,

et il n'y a que les jeunes qui devinent

revenons aux cartes, j'ai des choses à vous dire,

en revanche, que je n'ai dites jamais à une cliente

le Pape pour ennemi je crois qu'il faut le lire sur le plan

des idées, de votre profonde révolte contre l'autorité

je dis à toutes que la psychanalyse sauvage, tel définie par Laplanche

et Pontalis, reste ce qu'elle est, une sauvagerie

mais on en a des points de dialogue pour civiliser l'oracle

des ponts, je veux dire, malgré la simplicité des cartes

vous savez ? ici, pour que mon fils dorme

j'écris lumière éteinte, et les cartes je les vois à peine

avec ce qui revient de la bougie basse consommation du WC

avant j'avais des bougies en paraffine et sinon un bon Flexo

je parlais espagnol, avant, et j'avais un souci de précision,

sans prétention mais de l'ambition,

la coupe à gauche, et j'essayais toujours de conduire au bonheur

c'est pour cela qu'on me payait

et à présent

à présent vous êtes au centre

mais vous ne vous appelez pas Alexandra,

mais Catherine Crachat, et je vous connaît encore moins

je viens de lire dans le roman de Pierre Jean Jouve

au hasard, juste avant de vous tirer les cartes,

un passage dont je tache de me souvenir

et qui me rappelle ce que vous me dites

oui, c'est pas peu ce que vous dites

du moins au téléphone, un souhait d'une vie plus

silencieuse

plus douce, et en même temps

si vous permettez que je vous file

des choses entendues à mes collègues

avec d'autres clientes

en roucoulant la voix virilement, c'est à dire

des expressions toutes faites qui leur semblaient propres

tellement il fallait mélanger le ton aux sons derrière le fil

mais ce n'est pas le moment, je vous le dirai

à la fin

ou un peu avant

mon ami les disait à tout moment

il était pas athlétique, mais tonique

il pastichait avec des vraies larmes

il n'aimait pas d'être tombé si bas, mais la joie en même temps

était par dessus tout son aura médiocre et agonique

c'est ça, vous allez exploser

depuis je lui ai emprunté l'expression pour des poèmes

Mais dis-donc, elle a raccroché

j'aurai eu pour un bon moment de littérature

à déjouer l'épée

et trouver le charme du pendu,

c'est mon métier.

Je le fais en tant que poète

le tarot n'est nullement sacré

comme la drogue, ou un outil chirurgique

caramba, le sacré empêche le bonheur,

du moins, je crois, sauf le sacré bonheur lui-même.

Pour une fois qu'en ayant dit, vous êtes blonde,

j'ai bien deviné...

...

1 commentaire:

Marie-Agnès Michel a dit…

Trouver le charme du pendu est donc un métier !!!