Enfin je ne sais pas si confier cette entrée au public français ou espagnol; c'est un public qui n'existe plus, le public de Carlos Saura, quand il fait du cinéma. Bunuel y la mesa del rey Salomon est un film qui emprunte la forme au vidéo-jeu, mais c'est dans le décalage que ça produit sur les questions de culture espagnole (dans sa projection internationale) qu'est l'ironie que le public n'a pas comprise. Il faut prêcher Saura une nouvelle fois aux Français, qui avaient été, à ses débuts, son meilleur public.
Je ne suis pas bon pour les comptes rendus. Signalons les parallélismes avec le vidéo-jeu, par exemple l'ésoterisme syncrétique moderne, dont Bunuel, qui est le sujet du film, avait entrevu l'arrivée, mais aussi Dali, dont parle également le film. Le surréalisme du trio Bunuel-Dali-Lorca est illustré par des effet spéciaux propres à un vidéo-jeu, tout en restant fidèle à l'imagerie originale. Aussi ils ont, les trois génies, des énigmes à résoudre, des écrans à passer. Et puis Saura matérialise le nouveau mythe fondateur de l'Espagne démocratique, à savoir le mythe des Trois Cultures. Ce qui, en fait, est une notion qui devait déboucher sur un vidéo-jeu ou sur l'ironie de Carlos Saura. La guerre civile espagnole, suivie de la Deuxième Guerre Mondiale, vient fermer la jeunesse des trois artistes et donne une chute au jeu.
Cela suppose une parodie de la jeune vie culturale espagnole, rangée, qui vit ses petites ascensions sociales comme un exploit de geek devant son écran.
Je vous met un lien sur lequel, à cet instant là, il ne reste qu'une offre. Moi j'ai eu du mal à acheter le DVD. Il existe des sous-titres en français, en tout cas. En Espagne ça a été impossible de le trouver, même en téléphonant aux distributeurs. On se demande si, à son âge, Saura ne serait pas en train de tourner à un certain mauditisme. En tout cas, il a été complètement déplacé par Almodovar et la vague de petits médiocres qui est venu avec. Saura n'a pas de successeur, déjà je dirais qu'il n'est plus suivi. Tout comme Bunuel, il s'exile, à mon avis, dans "l'alimentice" de ses films sur la musique. Et il attend comme tant d'autres, quelque oreille attentive sortie du melting-pot parisien. Il faut s'exiler pour connaître le meilleur de sa terre, je me dis. Arrabal, l'autre, je n'ai pu le voir qu'à l'Accatone, ça ne convient pas au consommateur de culture espagnol, c'est freak, c'est la perdition. Je viens de dire vague de petits médiocres, mon Dieu. On va me rappeller à l'ordre, je sens.
Je voulais profiter de l'occasion, puisqu'on parle de cinéma, pour dire que je me refuse de voir quoi que ce soit de Jim Jarmusch. C'est le comble des bonnes intentions qui me font sortir en courant. Du blanc et noir, déjà, pour être labellisé culturel. Du même ordre que Paul Auster, complètement creux. Mais à cela s'ajoute que Tarkovski, j'aime pas non plus. Ni David Lynch. Vous voyez ? Je le mérite bien, mon rappel à l'ordre.
Un autre oublié est Arturo Ripstein, puisque j'y suis. Détestable pour les uns et pour les autres, un méxicain qui arrive trop tard. Il met parfois trois Fin différentes pour le même film. Oraculaire et sanglant, tel un aztèque.
Tiens, il y a des films de Ripstein que je n'ai pas encore vus.
En fait j'ai pu voir cet après-midi le court-métrage "Libera me" de Pierre Merejkowsky
dont j'avais vu "Les hommes prophétiques". Depuis un cinéma marginal et militant, il réalise des états de paroxysme dans ses tournages qui veulent enchainer avec la tradition prophétique juive. Je lui ai fait la remarque qu'il est plus fort que le Christ, puisque le Christ n'a pas accompli vraiment la tâche de Messie. Mais c'est que dans l'attente du communisme, Dieu se dérobe toujours et abandonne le prophète chrétien. Le prophète juif, lui, est écrivain, et non analphabète comme a pu l'être le Christ, dont est célèbre la leçon enfantine devant les prêtres; c'était pas un fouetteur, le Christ, mais un fouetté, un fouettable. Le fouetteur, tout comme Dieu, se dérobe. En ayant accompli sa tâche et donné dans le cinéma tout le paroxysme de l'apocalypse communiste.
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