lundi 3 février 2020

ekphrasis de "Santa Tais"





Regardez, dans ma ville natale, Grenade, malgré la persistance d'une bourgeoisie de la dictature, l'on est dans une tacite dépendance des touristes (Alhambra, flamenco) et des étudiants (rock, flamenco encore, trap, bibliothèques, recherche) et la course s'ouvrit un jour pour un sculpteur ou deux de bonne famille de remplir la ville de monuments ou statues (le côté mannequin ça me déplait pas, en revanche, et l'idée qu'il y en ait partout est dingue et je finis par ne pouvoir qu'adhérer) à ceci ou à cela, commémorer tout selon le programme de chaque groupe municipal et des historiens (mais rances et "costumbristas"). Donc, dans ma ville natale il y a depuis une date qui commence à prendre de la classe une statue sur socle d'un personnage en tenue vaguement arabe tenant un rouleau qui serait de papier - mais toute la statue est en bronce comme le reste de statue, même patène - et levant l'autre main ... et bon, il lève la main du côté du trottoir en regardant vers l'endroit où, un peu plus bas, l'arrêt des taxis du centre-ville ancien, sous une autre statue plus ancienne mais déjà dans la tonique - celle de Christophe Colon aux pieds de la reine Isabel de Castille, par ailleurs une fanatique effrayante de la guerre tout comme Jeanne d'Arc, dans la célèbre occasion où il obtint par de promesses diplomatiques à la reine les moyens pour entreprendre son voyage et éveillant des promesses guerrières chez la bonne dame qui prendraient en tout le globe d'une planète secrètement sphérique - et bien malgré que la statue représente un notoire traducteur de la cour grenadine en période musulmane connu de tous les arabistes et du public cultivé, les grénadins appellent le carrefour où se place la statue "el moro pidiendo un taxi" (l'arabe appelant un taxi) et il existe une participation régulière du public dans l'entretien d'une tradition instituée mais sans institution déclarée qui est d'entretenir la statue par le mégot qu'on met entre ses lèvres et que n'importe quel grenadin civilisé et fumeur remplace s'il est tombé, avec le mérite civique qu'il faut grimper sur le socle




l'entretien de l'art par l'amour est une institution comme celle du mégot du traducteur arabe, sans contrat sauf le contrat d'une sorte de loi émotionnelle non verbale de la ville, la dharma de Grenade, et dans mon cas je solicite quelque part, car elle m'est connue, la dharma de Paris, si je considère l'institution sous le point de vue de la statue elle-même, mise là par excès artistique mais malgré tout douée d'une âme

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