lundi 9 juin 2014

Marie chez le Diable à Ephèse (Teatro de Azufre)

*

La Vierge Marie, s’avançant sur un éléphant, fait son entrée

L’on parle du lieu, à travers ses génies, qui font des constats sur la perte de l’espoir et la demeure du diable

Les ouvriers viennent libérer la vierge

Le diable apparaît et j’hésite entre la farce et le hiératisme

Grande Doctrine Naturel

Révolution Accomplie

Vieillesse et fin


Bienvenue
bienvenue


jusqu’ici et depuis ma grossesse j’ai vécu seule
seule et double
martyrisée par le sexe
je n’ai jamais joui
j’ai chevauché les hommes
j’ai enfanté d’eux
j’ai roucoulé depuis le sourire béat
de mon statue
depuis chaque estampe pieuse
j’ai suscité la jouissance
depuis chaque souvenir de moi
ma voix demandait : encore
et pourtant mon seul compagnon
est l’ange
presque invisible
tenant droit mon dos
soufflant à travers ma colonne
me tenant par derrière telle une marionnette
s’injectant dans mon regard et sortant
aussi par mes narines

Mais me voici sur l’éléphant
que je vénère et je nourris de mes prières
il est Dieu, il agit sur le physique
lentement, jusqu’à la fin des temps

l’ange n’est pour lui qu’un remous
une vapeur digestive
bénigne certes
un atome dans son sang
un des nombreux ectoplasmes
que les éléphants
font quand ils sont sous la Lune

L’ange qui m’a transmise dans la pure jeunesse
les saletés sont restés étrangères
tout un monde de saletés pour lesquelles
ma pitié était sacrificielle, dévote
à les écouter, à intercéder auprès de l’ange

et l’ange, le voilà au centre de l’Enfer
racorni dans ses serpentines idées noires
dans l’abandon et dans le renoncement
de celui qui a brûlé dans le buisson ardent
et mué en éclair est tombé
régner sur les mouches
ici dans cet obscur atelier
où il manipule la merde, avale son sperme
fume des résines interdites et s’habille en femme


El arte para los pobres de la Tierra !
La création sera faite par l’Humanité !
n’est ouvrier ni précaire celui qui ne fait rien
et celui qui est acculé à ne rien pouvoir faire
celui là est bien ouvrier et précaire
capable de brouiller le pouvoir de l’argent
dès qu’il rêve et qu’il s’en souvient


Se oyen gritar a los manifestantes en Madrid

Les protestations s’éloignent et une musique de harpe ou guitare électrique
introduit des danseurs masqués, ce sont les génies du lieu

Génie Premier : je suis un fantôme
bien poli par les années qui font de moi l’outil poli
de leur mythologie humaine

Génie Second : Je suis le coagule
de tout le sperme déversé et de toutes les salives
et le sang menstruel et même le sang de la mort au couteau

Génie Troisième : Je suis le roi ignoré
je vous dirai ce qu’il faut faire ici
pourquoi nous sommes dans ce chaos
ce chaos pourtant agencé comme un trou un vide
dans l’harmonie de la Nature
au point que la Nature s’en sert de ce lieu
comme le cul du monde
et son propre vagin d’où que
cupides que nous sommes
nous nous attardons

Marie : amie je suis des génies
Salomon l’était, rien n’est mauvais
dans l’économie de l’invisible
mais que diriez vous qui êtes parmi mes prétendants
d’une amie intouchable ?
ça j’en suis sûre que vous jalousez l’ange
l’ange qu’est Dieu, cette folie de toutes
absconse à l’homme, mais non pas à la mère de l’homme

Conversación iniciada hoy

22:15

Chers amis,
Je suis peintre de profession, et aussi écrivain dans la mesure où je suis auteur de plusieurs romans et essais publiés en espagnol, ainsi que de récits critiques apparus en deux numéros de la Revue Littéraire de Léo Scheer.
Sans totalement me sentir à l'aise, il faut dire que je me sens mieux à Paris en égard de mes travaux. J'ai été heureux et en conditions de peindre et écrire en Espagne seulement au prix d'un vrai exil intérieur. Je caresse depuis longtemps la vision d'un théâtre, d'un versant "théâtrique" qui existe dans le travail figuratif que je mène à bout.
Depuis 2011 je réalise, quelques fois en tant que co-auteur, en connaissance de cause d'une lecture artistique, des pistes sonores et des performances sur youtube et vimeo.
Mon Teatro de Azufre, en cours en français, était à l'origine en espagnol :
Entre 1999 et 2003, suite à des petites notations qui datent de 1995, j'ai écrit trois pièces hiératiques de poésie théâtral. Coupé des amis acteurs (par la suite une troupe s'est essayée dans un travail de l'ordre de la performance vidéo) j'ai écrit les didascalies d'une manière académique, sans tenir compte d'une mise en scène conséquente avec les acquis des avantgardes.
Des trois pièces, deux ont été traduites en français en 2011 avec l'aide de la romancière Marie-Agnès Michel. S'est suivi une tentative chancelante de mise en scène vidéo (ce qui est en ressorti ce sont des tableaux à l'huile et des pistes sonores) dont je vous joins un document écrit.
En 2012, j'entreprends de développer une oeuvre sur le net (destinée au mussée et à être poursuivie avec des moyens appropriés) autour du personnage du XVIIe siècle français Jeanne de la Motte Guyon, car sa position hétérodoxe et ses scandales la rapprochaient d'un mystique espagnol, Miguel de Molinos (elle était accusée de molinisme). Je conçus l'idée théâtrale d'une Théologie Rococo. Je dis théâtrale, mais cela n'exclut la représentation sur le net, même pauvre.
Avec Catherine Gil Alcala, auteur et dramaturge, dont j'apprécie la finesse du langage, la capacité à créer des résonances abstraites et concrètes, le projet a donné une pièce écrite, d'une envergure satisfaisante, et le blog youtube des différents chapitres selon ils venaient.
Il existe un travail aussi de pistes sonores à la manière du couplet improvisé. Elles s'encadrent dans une démarche qui n'est pas de l'autofiction au sens réducteur, mais qui accorde un titre et une thématique à chaque document détaché, en général.
Je voudrais vous poser deux questions :
Si je peux compter que la partie francophone de ces différents travaux soit répertoriée auprès du Centre National du Théâtre. Cela peut comporter une médiation du CNT auprès les coauteurs, dont ma sociopathie et la leurs me séparent.
Si pour ce qui est des textes, je peux compter sur une forme ou une autre de diffusion. D'archive en tout cas, ce serait souhaitable suffisamment.
Cordialement,
Manuel Montero
voici le document duquel je faisais état :
mardi, 13 décembre 2011.
A l'adresse de mes amis de ces jours.
Je vous expose à plat la question du théâtre chez moi. Ailleurs j'ai déjà dit que j'étais cette sorte de peintre qui voudrait donner sur d'autres mille et un projets. Très tôt j'ai eu pour modèle dans ce genre l'aventure de Salvador Dali, qui est arrivé à enregistrer une opéra en trois disques, que j'écoutais dans mon adolescence tardive comme le summum de ce que, moi, j'arriverais à être. Une espèce de monarque, un aristocrate par grâce du métier fondateur du peintre. C'est bien pour cela que j'ai voulu faire le plus classique et le plus poussé en même temps, dans le domaine pictural, tirant profit de mon habilité longuement mûrie pour le dessin. Il y a quelque chose du "fondateur de secte", puisque depuis mes premières lectures augustiniennes je me suis très vite identifié au fondateur du manichéisme, qui était peintre selon Michel Tardieu rapporte. Mais je vous écris cette note non pas pour mettre à plat ma mégalomanie, qui est un affaire qui me dépasse, par essence plus ample que ce que je peux en tant que sujet rationnel maîtriser moi-même, qui me rend sujet par égard de celui qui viendra "m'assujettir"...
Il s'agit bien de préciser le déroulement du projet "Teatro de Azufre", qui a porté dans sa sarabande d'autres personnes que moi, non sans que chacun y mette de soi un certain risque. Pour l'instant le projet semble s'être brutalement arrêté, dans un collapsus général. Il avait été ainsi déjà arrivé avec la première tentative de mise en scène en 2000. A l'époque j'avais un autre atelier, non pas à Paris, mais en Espagne, un vieux moulin en pierre grise (une variété locale du marbre, qui est fréquente à Grenade). Nous avons fait plusieurs répétitions dans le froid de cet atelier où nous avons dû faire de la place entre les multiples accessoires dont Lia Guerrero et moi nous servions pour faire de la peinture à l'huile et à la cire, plus de la sculpture parfois. L'enthousiasme qui animait les jeunes acteurs, complètement volontaristes, intéressés à mon texte en partie à cause de ma réputation de freak et d'érudit en même temps, m'a depuis mis sur la piste du désir dans ce qui concerne mon implication dans l'idée du théâtre. Un désir qui appelle à la retombée, à la répétition d'une catastrophe...
Le travail d'écriture est une des choses que je voulais mettre à plat, mais il semble plus urgent de faire état des démarches récentes de traduction et du projet arrêté à sec de deuxième mise en scène.
Il faut préciser que Teatro de Azufre est composé de trois pièces différentes, dans des époques historiques qui viennent dessiner un curieux parcours de la pensée : la première pièce prend pour personnages Néron, son entourage, et Saint Pierre, la deuxième met en scène les libéraux franc-maçons espagnols partisans de José Bonaparte dans la guerre napoléonienne d'Espagne, et la troisième traite d'une façon assez "bizarre" le conflit Israël-Palestine.
Le caractère tragique des poèmes dramatiques, non sans ressemblances avec le tragique décousu de l'Empédocle de Hölderlin ou la Penthésilée de Kleist, venait être donné chez moi par la conception du théâtre apprise de la génération de mes parents. Ce caractère tragique était fortement politique, lié en même temps aux aspirations d'une démocratie réelle, soit d'un communisme, et en conséquence lié à une sorte d'activité artistique d'ordre révolutionnaire. Mais d'autres considérations venaient rendre opaque pour moi le sens de ma démarche : j'avais des penchants que je nommais "contemplatifs", pour la mystique, pour le symbolisme décadent, pour la poésie baroque, et pour la pure cruauté tel conçue par Artaud, mais aussi en tant que démarche érotique et libératrice, qui ne pouvait se faire que depuis l'innocence et la bonté, même si je risquait d'être peu crédible sous un regard profane ou inquisiteur...
En tout cas, dans sa dérive proprement parisienne, Teatro de Azufre a été partiellement traduit en français avec l'aide de Marie-Agnès Michel, et je vous présente un document sonore que certains de vous connaissez déjà, mais qui risque de rester une rareté. Il était convenu d'en faire d'autres de la sorte, mais...
Puis un deuxième document sonore très singulier qui est la répétition du début de la troisième pièce, Théâtre d'odalisques à talons d'aiguille, par Sarra Majdoub (le son est très atténué par l'enregistrement et tout comme la première tentative espagnole, il était question d'un parti pris risqué de sa part que de s'engager dans un projet qui n'avait du tout l'allure d'être solvable à court terme).
Suivent quelques lectures par moi-même des voix masculines de la troisième pièce, celle des odalisques.
Pour conclusion, l'état du projet à présent à mon avis est un collapsus de facto. Je suis enrhumé. Il avait été question de parvenir à être produits, soit par la plate-forme F4, soit par Pierre Merejkowsky, qui était partant aussi pour jouer la voix d'un personnage dans l'enregistrement sonore, soit par mon éditeur et producteur Meligrana Editions. Je songeais en l'occurrence proposer une lecture "en théâtre de société" au Salon Oedipe, tenu par Delia Kohen et d'autres psychanalystes, et qui avait exposé auparavant ma peinture, et peut-être d'autres issues auraient pu se dessiner.
NB.: les pièces sonores seraient mises à l'occasion sur le blog. J'attends vos remarques dans l'idée de publier cette lettre, en tant que présentation de l'ensemble de textes et les quelques pièces sonores, avec les corrections que vous puissiez suggérer, dans le blog, faute de mieux.
Manuel Montero

Aucun commentaire: