samedi 13 mars 2021

les moriscos au Qu Ge

 les moriscos au Qu Ge


  1. Il serait intéressant de parler des Livres de Plomb du Sacromonte, car cela est un exemple inouï de construction idéologique de défense d’une minorité (les andalous). Si vous voulez je pourrais essayer d’en ébaucher une résumé, mes études en Histoire n’ont surpassé le niveau pour parler en historien, ce sera une approche d’artiste, mais pour se faire une idée, et en étant un artiste un peu cerebral quand-même, ça peut être suffisant

    Juste cela peut me prendre un temps, car je voudrais trouver le ton et retourner au texte des livres, dont j’ai une traduction castillane

  2. Je vais pas me compliquer la vie, ni promettre sans connaître l’avenir. Je vais vous dire ici comme ça viendra.
    Il était une fois cette société sous domination catholique dont Youssef vient de parler. Avant la Guerre des Alpujarras et même après, les Livres de Plomb sont l’héritage étrange que les moriscos ont laissé pour toujours. Faisant passer pour trouvaille archéologique (la science archéologique, Histoire appliquée, était née peu avant à Rome avec des initiatives comme celle du peintre Raphaël qui fit jouer sa position auprès du Pape pour entreprendre des fouilles à la recherche de la « domus aurea », la maison de luxe de l’empereur Néron… le peintre mourra d’une maladie contractée dans les humides excavations, très jeune) des textes rédigés (comme il arrive au Zohar, que l’auteur Moïse de Léon faisait passer pour oeuvre venant de Jérusalem) par un groupe d’écrivain musulmans convertis de force après la prise de Grenade, et construisant pour cela la fiction (encore officielle à l’époque de Franco, quand je suis né) d’une série de martyres chrétiens de première date, disciples de Jacques l’Apôtre et… et cela est important, de la « très sage » Marie, qui seraient morts par ordre de Néron à Grenade, les Livres de Plombs ont été découverts dans des enthousiastes « excavations » d’abord dans les travaux de construction de la cathédrale, puis à la montagne gitane de Valparaiso, qui changera son nom – ça a duré peu ce nom, mais tout le monde sait que c’est le Valparaiso, même à l’actualité, car pour les gitans, peuple d’artistes, les choses peuvent avoir plus d’un nom – par le nom de Sacromonte à cause des livres sacrés trouvés dans ses grottes. Ces livres sont la stratagème pour amorcer un syncrétisme qui puisse permettre de donner antiquité suffisante, en tant que pratique du temps des apôtres, aux moeurs des moriscos et ce sont des évangiles qui parlent fort longuement d’angéologie et de marianisme – chers encore aux temps où j’ai fait des études de théologie à Grenade, pour les curés milagreros (aimants des miracles) de l’Andalousie. Ils sont écrits en latin et en arabe, présumant que Cecilio – encore à l’actualité patron de Grenade et objet d’une romería annuelle ou pélerinage, d’un jour d’hiver où je peux attester qu’il fait toujours, toujours beau et ensoleillé et moins froid que d’habitude et les gitanes montent à cheval habillées pour la danse et tous nous prenons de tourtes salées et des omelettes espagnoles au pied de la montagne – et son disciple Ctésiphon – un camarade à l’école primaire de mon quartier gitan s’appelait ainsi – étaient des apôtres parlant la langue arabe. La démarche collective a fait effet en grande mesure car le Cardinal Cisneros, qui nonobstant faisait du zèle en tant qu’inquisiteur, y a cru dur comme du fer, puisque ça allait dans le sens de son propre spectacle évangelisateur et la confusion a permis de faire passer une grande quantité d’apocryphes qui venaient répondre, tout en parlant « depuis le Ier siècle » aux enjeus de l’actualité religieuse

  3. quand l’esprit des Lumières avait commencé à signaler comme escroquerie les Livres de Plomb (ils sont écrits sur du plomb, ce qui brouillait les pistes sur leur ancienneté) ils furent transportés au Vatican. C’est Ratzinger qui les a rendu à la ville de Grenade, au monastère du Sacromonte, à l’année 2000, je crois, lévant une partie du secret, mais ils avaient été traduits dans leur totalité – à part le fait d’avoir circulé au XVI et XVII et avoir donné matière à sermon – dans les années 70 par Miguel José Hagherty

  4. Miguel de Cervantes lui-même, doit le succès de son Quixote au même enjeu de public converti que les Livres de Plomb. Y en a des auteurs comme Ignacio Gómez de Liaño, qui ayant étudié le phénomène du Sacromonte, y trouvent un écho certain de ces enthousiasmes collectifs dans la publication, pareillement feuilletonnesque, du Quixote. Cervantes l’a écrit en partie en Alger quand il était otage, et l’arabicité de ses histoires es une bonne piste pour l’interpretation

  5. Autrement, quant au contenu religieux syncrétique, de ma part, je ne peux m’empêcher de trouver des ressemblances entre les évangiles contenus dans les livres de Plomb, et des évangiles gnostiques féminisants comme ceux de Nag Hammadi, très anciens, dont la persistance aurait pu être garantie par le tissu social et religieux de l’Andalousie des Omayaddes. Des contenus tels l’Evangile de Marie, même si l’écriture a été clairement refaite, répondent au même programme féminisant et libertaire de la vieille école gnostique. Il en va aussi pour l’angélologie des autres évangiles, élément permettant de donner livre cours et de légitimer les pratiques magiques rurales toujours en conflit avec l’autorité religieuse

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