lundi 22 juin 2020

L'aile





L’AILE
(Vie de Singet)
Quant à la consommation de viande, dans le milieu de Singet, ça se limitait aux jours plutôt quinquennales où lui et Singette avaient des invités à dîner. Une poule d’une de ces montagnes chinoises pleines de Chi. "Vous êtes une digne fille de Marie Madeleine, donc le Christ est votre père", disait-il gentiment à Singette. "Ils sont élevés par rapport au sol, ces tabourets," lui expliquait Singette, "pour éviter les insectes de se mettre à table".
C’était le lendemain du dîner, et cette fois-ci Singet trouva les deux ailes de la poule dans son assiette. Jamais au four, chez Singet, mais bouillie à l’oignon. "C’est plaisant pour toi ? tu dois aimer les ailes..." s’assura Singette. Singet considéra le Yin et le Yang de la chose, la chanson de Neil Young où les croix sont en flammes, l’Italie de Burckhardt dans ce qui concerne le fonctionnement des cafetières, et finalement décida de se pencher vraiment, de tout son esprit, sur ces ailes de poule.
"Tu sais que l’on dit qu’elles sont la partie la plus délicieuse de la poule ?"
En fait Singette avait dû entendre dire ça plein de fois et elle attendait du sage Singet une solution à cet énigme.
rise qui nous enivre et nous unit, à moitié nus sur nos tabourets. C’est la meilleur partie du poulet parce qu’on la mange tranquillement le lendemain."
"Ah, non." Singette eut le souvenir d’une autre solution à l’énigme : "elles sont le meilleur du poulet parce que le muscle est plus rouge et il a plus de saveur, et aussi parce que leur peau est
"Oui, mon amour, elles sont le plus délicieux de notre poule de montagne parce que c’est la partie que je mange en vraie intimité avec toi, avec un doux soleil s’immisçant par la lucarne, avec un
bcraquante".
Singet savait bien que le goût de la peau craquante de poulet était celui de son écuyer Porcelet, qui mangeait cela presque tous les jours, avec l’alcool d’Osiris et Sarapis. Bon, pas seulement de la bière, mais un petit peu de joie de vivre, aussi. Mais il savait bien que le possible charme de ce qu’il mangeait, compte tenue que dans la poule bouillie il n’y avait pas de grillé, résidait plutôt dans le toucher paradoxal d’une gélatine.
plaisir que celui du Chi de la poule.
Rien ne contredit l’énigme de l’aile, pensa Singet. Mais il se dit que l’invité qui prenait l’aile a
Sans besoin d’un autre répondant, Singet pensa tout de suite aux deux sortes d’invités, ceux du poulet grillé et ceux de la poule bouillie.
Les uns se lançaient goulus sur les ailes déjà la nuit même du dîner, ce qui semblait confirmer la formulation de l’énigme, mais les autres disaient ne pas avoir de préférences.
Il existait en outre toute sorte de gens qui prenaient décidément une telle ou telle partie, sans pour autant montrer d’autre surplus d
eu dîner avait peut-être ci-faisant un geste de déférence en égard de son hôte et son hôtesse, connaissant les matinées de printemps des amoureux. Une délicatesse exquise à leur couper des ailes.


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